2021 M07 13
On a parfois du mal à réaliser que l’héritage des Inconnus comporte son lot de chansons plutôt réussies. Au-delà des blagues, des titres comme Auteuil-Neilly-Passy ou Vice et Versa avaient su parfaitement capter le style et les habitudes de l’époque. Un coup habile, notamment mené par Didier Bourdon, le musicien du trio. Enfant, il jouait de la guitare classique, avant de finalement privilégier la comédie. Mais au final, le succès des Inconnus durant les années 90 lui permet de ne plus avoir à choisir. Au sein de deux albums (qui contiennent également quelques sketchs), c’est une quinzaine de titres parodiques qui ont été publiés, sans compter les dizaines de fragments musicaux non développés. Certains, comme C’est toi que je t’aime (parodie des Négresses Vertes) ont même été de grands succès de ventes. Les paroles sont faites à trois, et chaque titre bénéficie du travail d’arrangeurs, mais c’est bien Bourdon qui façonne ces musiques.
Et cette tentation musicale semble ne l’avoir jamais quitté. En parallèle de sa carrière d’acteur, il publie de temps en temps : en 2005, le titre On Peuplu Rien Dire, en 2013 une reprise de Dutronc. Pour enfin sauter le pas en 2021, à l’âge de 62 ans, avec cet album « Le Bourdon ». Et ce qui frappe, dans ces 10 titres, c’est le premier degré inhabituel du comédien. Mais ce n’est pas forcément une bonne chose.
Musicalement, le disque n’est pas honteux, la voix chaude du comédien fonctionne bien, mais les arrangements partent un peu dans tous les sens. Les compositions, qu’on suppose pourtant plus travaillées que les parodies des Inconnus faites dans l’urgence, restent malgré tout assez faibles. Mais surtout, sur la plupart des titres, les paroles multiplient les poncifs. Loin de la satire sociale du trio comique, Bourdon privilégie ici l’introspection, sans avoir rien à dire. En témoignent les chansons Pourquoi tu te mets à la chanson et Do Sol Mi, au second degré salutaire, mais un peu vaines. Et quand il cherche à dire des choses, cela donne le très gênant Médias Médiocres, qui se veut acide, mais avec de l’aigreur déplacée et un peu stérile.
C’est quand on lit entre les lignes que le disque prend une dimension touchante. Avec Quelqu’un de sérieux, seul titre qui surnage, on devine une mélancolie qui aurait pu être le vrai sujet de ce disque, s’il avait été traité moins superficiellement. Mais tout ce qui ressort, c’est le sentiment d’un Bourdon aigri et perdu dans notre monde, lui qui semblait l’avoir bien compris il y a trente ans. Ce triste constat devient manifeste avec la reprise de Vice et Versa, qui convie les complices Bernard Campan et Pascal Legitimus. Avec son tempo mollasson, elle ne fait que souligner que l’énergie s’est envolée.
Plus largement, ce disque raté met en évidence la pertinence qu’ont encore les Inconnus. On leur pardonne facilement une composition un peu simple et le côté un peu boomer sur le rap de l'époque, le tout étant sauvé par la réussite du pastiche, des paroles vraiment mordantes, et une dynamique naturelle, évidente. Au final, c’est bien ça qui paraît le plus sérieux, aujourd’hui.