2020 M01 22
“C’est ton destin”, “rap shit”, “y’en a marre du rap”. Si ces punchlines vous disent quelque chose, c’est probablement parce que vous avez grandi dans les années 90 en subissant les clips qui ont rendu les Inconnus ultra populaires avec leur programme La télé des inconnus, sur France 2 (on disait Antenne 2 à l’époque). A chaque fois, ces saynètes pastichaient un genre musical déjà tendance : le rap. Les blagues étaient livrées pas très fines, les paroles étaient un peu reac et, pour le dire dire, Legitimus, Bourdon et Campan n’y allaient pas de main morte sur cette mode dont ils ne comprenaient aucun des codes. Inutile de préciser que des jeunes groupes comme NTM y étaient présentés comme de gros imbéciles incapables de s’exprimer correctement en français.
La mise en ligne de l’intégralité des sketchs des Inconnus en 2014 permet aujourd’hui de tirer deux conclusions : non, tout n’était pas drôle, et une partie d’entre eux étaient consacrés à la musique, le rap notamment, alors que la France s’initie timidement au verlan (le rap de iencli n’est rien d’autre que ça).
Les meufs, faire tiep, etc. Autant d’expressions que les Inconnus, visionnaires malgré eux, vont faire entrer dans le langage courant alors qu’ils méprisent manifestement ce nouveau langage de jeunes. Regarder le clip de C’est ton destin en 2020, c’est mieux comprendre à quel point le rap français a dû souffrir pour finalement s’imposer aujourd’hui dans tous les charts, au point que certains le qualifient aujourd’hui de “nouvelle variété”.
Alors, finalement, pourquoi parle-t-on de rap de iencli quand il est question des Inconnus ? Parce que cette expression, qui désigne grossièrement le « soft rap » majoritairement écouté par des blancs (Lomepal, Romeo Elvis, Orelsan, , etc), permet de dresser une ligne claire entre les vrais qui savent et les faux qui consomment. Créé dans les cités pour designer tous les clients venant chercher leurs grammes en sortant des « OKLM frère » ou citant PNL pour s’acheter rapidement une street cred, le terme colle finalement parfaitement aux clips-chansons des Inconnus qui, en leur temps, ont fait entrer le rap dans tous les foyers avec de gros sabots.
Quant au terme « rap de iencli », il est évidemment péjoratif pour les connaisseurs, discriminatoire et permet, en ce début d’année 2020, de distinguer ce qui serait le bon du mauvais rap, fonction qu’on est blanc ou noir, pauvre ou riche, client de Nekfeu ou d’Alpha Wann. Un terme, en résumé, à bannir définitivement du vocabulaire. Un peu comme ces sketchs des Inconnus.