2018 M06 5
Portées disparues. Tanya Pearson, 36 ans aujourd'hui, a toujours été une fan de musique, et a elle-même joué dans des groupes. Étudiante au Smith College, une université de femmes dans le Massachusetts, elle suit un cours sur l'histoire orale. Elle décide alors de travailler sur la représentation des femmes dans la presse spécialisée musicale. Mais dans les magazines qu'elle consulte, rares sont les mentions de musiciennes, pourtant nombreuses dans l'histoire du rock. En fait, elles sont tout simplement ignorées. « Où sont passés les groupes de femmes que je suivais quand j'étais jeune ? Où se trouve leur héritage ? », se demande-t-elle.
Histoires orales. Janis Joplin, Patti Smith, Aretha Franklin and cie sont bien connues, mais où sont les autres ? Tanya se lance alors dans une série d'interviews filmées pour récolter ces histoires.
Sans argent, ni matos, elle tourne sa première vidéo avec la chanteuse de Veruca Salt. Après la quatrième, elle réussit à convaincre la directrice des archives du Smith College de les stocker et crée son propre site pour les héberger et les rendre disponible au public. Les premières à lui répondre ont surtout joué dans les années 1990. Puis, elle s'attaque au punk de Los Angeles des années 1970 et 1980, avant d'essayer de combler les trous avec des musiciennes des années 1950 et 1960. Avec déjà 42 interviews réalisées, Tanya aimerait arriver à au moins une centaine pour finir son projet de livre.
Trajectoires à géométrie variable. « Lorsqu'on parle des femmes et de la musique, c'est toujours présenté comme des histoires tragiques, des « rebelles », des « femmes en colère », excluant ainsi de nombreux parcours », dit-elle. Comme elle l'écrit sur son site, « les médias et les universitaires perpétuent une vision unique et androcentrée », c'est-à-dire en envisageant le monde uniquement ou en majeure partie du point de vue des êtres humains de sexe masculin qui rentrent dans les cases « sexe, drogues et rock'n'roll ».
« Les femmes rentrent difficilement dans cette catégorie et sont largement sous-représentées, poursuit-elle. Dans le cas où elles le seraient, elles n'ont pas le même niveau d'attention ou n'accèdent pas aux mêmes audiences que leurs collègues masculins. En créant un espace pour les femmes, trans et personnes non binaires, et en leur permettant de partager leurs histoires personnelles et professionnelles, j'espère contribuer au développement d'une histoire populaire du rock plus juste et inclusive. »
Kat Arthur, Alice bag, Mish barber-way, Ginger Bianco, Tracy Bonham, Ginger Coyote Eva Gardner, Michelle Gonzales, Miss Guy, Lydia Lunch, Shirley Manson, Phranc, Viola Smith, Azalia Snail, Donita Sparks, Mary Timony, Thalia Zedek... Si ces noms ne vous disent rien, peut-être est-il enfin temps les (re)connaître…