2020 M09 8
Trois années sont passées et l'on ne cesse de constater les retombées du mouvement #Metoo. Même indirectement. Prenons Demandez à Clara, par exemple. Nommée ainsi en référence à une célèbre pianiste (Clara Shumann) et hébergée sur le site Présences compositrices, cette plateforme propose depuis juin dernier de répertorier les œuvres des compositrices. Pourquoi ? Parce que ces dernières ont bien trop longtemps été tenues à l'écart des projecteurs et des reconnaissances académiques.
« Depuis notre tendre enfance, on n'entend pas de musique de compositrices, ou si rarement qu'on n'en garde pas la mémoire », a affirmé à l'AFT Claire Bodin, à la tête du projet et directrice du festival Présences féminines. « À nous musiciens et musiciennes, aucun matrimoine n'a été transmis ; on a été biberonné à l'idée du génie du grand compositeur, toujours un homme, sans jamais s'interroger sur le répertoire des compositrices. »
Le travail des compositrices est pourtant considérable. En quelques mois, Demandez à Clara a déjà collecté près de 4662 œuvres et 770 compositrices de 60 nationalités différentes, toutes ayant œuvré de 1618 à 2020. Et ce n'est pas fini : d'ici l'automne, 4000 œuvres supplémentaires devraient être ajoutées au sein de la base de données de la plateforme sur laquelle figurent déjà Francesca Caccini - soit disant la première femme à avoir composé un opéra -, Fanny Mendelssohn, Lili Boulanger ou Kaija Saariaho. En revanche, et c'est en cela étonnant, toujours pas de Uèle Lamore ou Hildur Guðnadóttir, violoncelliste à l'origine des B.O. de Chernobyl et du Joker...
Reste que c'est avec un réel plaisir que l'on découvre le parcours de tant de noms essentiels à l’évolution des musiques classiques, malheureusement trop longtemps restés dans l’ombre de quelques figures indéboulonnables... Et masculines : Beethoven, Mozart, Tchaïkovski ou encore Bach. « Il n'est pas question de réécrire l'histoire mais d'enrichir le répertoire, détaille Claire Bodin. Il ne faut pas simplement les programmer parce que ce sont des femmes et pour se donner bonne conscience, mais parce qu'il y a un réel intérêt artistique. » Preuve en est : aux dernières Victoires de la musique classique, Camille Pépin, 29 ans, est devenue la première compositrice primée. Les temps changent, assurément.