De Bowie à Parcels, tous ces artistes qui ont enregistré de grands disques à Berlin

Retour sur cinq musiciens ou groupes qui ont déménagé à Berlin, et qui sont tous étrangement liés par le même studio d’enregistrement.
  • Est-ce que la créativité des artistes est plus développée une fois qu’ils se trouvent à Berlin ? Il faut croire que oui tant de nombreux brillants musiciens sont partis s’exiler là-bas. Les premiers à avoir ouvert le pas ne sont autres que David Bowie et Iggy Pop, en quête de renouveau dans une capitale allemande au cœur de la guerre froide à la fin des seventies.

    David Bowie & Iggy Pop 

    Les deux icônes ont fortement participé à la popularisation de Berlin dans le mouvement rock’n’roll. C’est en 1976 qu’ils décident de s’installer tous deux dans la partie ouest de la ville. Bowie sort alors d’une drôle de phase dans sa carrière, composée essentiellement de cocaïne et de poivron. L’artiste veut quitter cette vie de débauche et il part pour la France avant de déménager une nouvelle fois en Allemagne, avec son comparse Iggy Pop. Cette fois-ci, il n’est plus question de défonce, mais de créativité artistique pure et dure. Les deux musiciens se rendent régulièrement au studio Hansa, à l'ouest de la ville. Plus tard, il deviendra un lieu d’enregistrement incontournable qui verra défiler entre ses murs des artistes comme Depeche Mode, U2 et même Indochine.

    L’année qui suit le début de l’exil, le public a le droit aux albums “Low” de Bowie et “The Idiot” d’Iggy (partiellement enregistré à Berlin), deux disques classiques et intemporels chapeautés par Tony Visconti, fidèle bras droit de l’auteur de Heroes. C’est dans cet album qu’on retrouve le titre Neuköln, nom du quartier de résidence de l’Anglais où il passe la plupart de son temps. Il profitera de sa nouvelle ville pour y enregistrer aussi les sublimes “Heroes” et “Lodger”, pendant Iggy Pop sort “Lust For Life”. Ils quitteront tous deux la ville grise en 1979. Bowie a toujours revendiqué son amour pour ces années passées à Berlin (et pour certains groupes allemands comme Kraftwerk) jusqu’en 2013 et la sortie du morceau Where Are We Now? qui nous plonge dans les rues de la capitale allemande à la fin des seventies.

    Nick Cave & the Bad Seeds

    Cave et son groupe ont suivi les pas de Bowie et Iggy Pop. C’est ce que l’on pourrait croire tant les coïncidences entre leurs parcours respectifs sont flagrantes. Tout d’abord, Nick Cave & the Bad Seeds enregistrent eux aussi leurs premiers albums au studio Hansa. Les cinq musiciens s’installent à Berlin en 1982, soit seulement trois ans après le départ de leurs compères rockstars mentionnés plus haut. Le groupe originaire d’Australie est alors en pleine mutation. Avant d’emménager dans la ville grise, il n’existe pas encore, mais certains de ses membres - dont Nick Cave - sont déjà connus en tant que The Birthday Party. Cette formation se sépare en arrivant à Berlin pour donner naissance quelques mois plus tard aux Bad Seeds (qui verra ses membres changer constamment).

    Le leader du groupe a besoin de renouveau artistique et la capitale allemande semble être le terrain de jeu adéquat. Mais la musique ne semble pas être le seul argument qui a poussé Nick Cave a déménagé. Mark Reeder, producteur anglais s’étant lui aussi installé à Berlin Ouest, raconte l’arrivée de son ami en ville : “Après lui avoir exposé les avantages de vivre à Berlin par rapport à Londres, j'ai réussi à l'attirer avec la promesse de boissons à bas prix, d'une vie bon marché et de drogues.” Nick Cave & the Bad Seeds enregistrent quatre albums dans la capitale allemande entre 1985 et 1988. De son côté, Cave écrit un bouquin, Et l’âne vit l’ange, tout en consommant régulièrement des substances illicites. L’aventure berlinoise prend fin à la sortie du quatrième album du groupe et l’envie soudaine de Cave de partir s’installer à São Paulo. 

    U2

    Le 9 novembre 1989 marque la chute du mur de Berlin. Il faudra attendre le 3 octobre de l’année suivante pour que l’Allemagne soit officiellement réunifiée, date qui marque également l’arrivée de U2 dans la capitale. A ce moment-là, le monde a les yeux braqués sur la ville grise, mais aussi sur le groupe de rock. Son précédent disque, “The Joshua Tree”, a rencontré un succès monstrueux, remportant même le Grammy du meilleur album. Mais le suivant, “Rattle and Hum”, fût un échec.

    Les Irlandais se rendent alors à Berlin dans le but de changer d’air et d’enregistrer dans le mythique studio Hansa (encore lui), influencés par la présence de Bowie avant eux. La relocalisation de U2 a fortement joué sur sa musique : le morceau Zoo Station est directement inspiré du nom de la station de métro qui permettait de passer de Berlin Ouest à Berlin Est à l’époque où le mur était encore présent. Ce titre sera l’introduction de l’album “Achtung Baby” enregistré en grande partie en terre allemande, avant d’être peaufiné à Dublin.

    Parcels

    Tout comme Nick Cave, les membres de Parcels sont australiens. Mais la raison de leur installation à Berlin est bien différente de celle du rockeur. “J'y suis allé parce que j'avais un emploi de professeur de musique. Je suis allé voir Berlin et pour être honnête, je n'ai pas vraiment aimé l'endroita expliqué Jules Crommelin, le guitariste. Une fois arrivés dans la ville grise en 2014, les Australiens pensaient tomber sur des groupes de rock et d’électro, mais la déception fut totale. “Nous pensions qu'il y aurait des gens faisant de la musique électro en direct, mais ce n'est pas le cas. Nous n'avions pas réalisé qu'il n'y avait que des DJs…” Pourtant, Parcels est bien décidé à s’imposer. A force de travail et avec un petit coup de pouce de la part d’un duo français appelé Daft Punk, les résultats portent ses fruits. Le groupe sort son premier album éponyme en 2018, couronné de succès aussi bien de la part du public que des critiques. Ils enregistrent au studio Hansa un album live de haut-vol deux ans plus tard, avant leur dernier disque en date “Day/Night” sorti cette année. Et tout ça sans jamais quitter Berlin.

    Après la chute du mur, Berlin est devenue symbole d’unification. C’est également le point commun de ces artistes qui sont tous partis là-bas dans le but de se réunifier ou de construire quelque chose ensemble. Pari réussi pour tout le monde.