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On ne peut s’empêcher de sourire quand David Grellier, par ailleurs moitié de Sexy Sushi, annonce qu’il se trouve dans une concession automobile pour réparer sa voiture quand nous l’appelons pour discuter de l’album qui fête les dix ans d’existence de son projet College. En 2011, le palpitant et romantique A Real Hero, collaboration avec les Canadiens d’Electric Youth, marquait toute une génération de fans du film Drive. Si cette chanson a accéléré son succès, College avait déjà fait ses classes en contribuant à une scène électro française qui bourgeonnait alors sur les blogs, dont le sien appelé « Valérie » qui était aussi un collectif et un label amoureux de l’Amérique des années 1980. Le nostalgique College revient sur cette décennie à l’occasion de la sortie d’ »Old Tapes », compilation d’inédits qui sont bien plus que des brouillons oubliés.
L’album « Old Tapes », c’est une collection de tes souvenirs ?
David Grellier : Ce sont beaucoup de souvenirs oui, mais le single Auto Pilot a été composé plus récemment avec d’autres outils pour le faire, d’autres synthés notamment. C’est un projet que j’avais en tête depuis longtemps, avec des morceaux que j’ai composés à différentes époques de College. Comme à chaque fois qu’on fait un album, il y a des compositions qu’on laisse de côté parce qu’elles ne s’intègrent pas à la playlist qu’on a faite pour le disque. Je trouvais ça intéressant de les regrouper pour montrer l’évolution de certains types de compositions qui au début semblent un peu plus dures.
« On était de la génération Myspace et ce qui était formidable c’est qu’il n’y avait que cet outil. »
Avais-tu la nostalgie des débuts de College, mais aussi du blog et label « Valérie » ?
D. G. : De par la nature de mon projet, je suis quelqu’un d’assez nostalgique. College s’inscrit dans l’ère du temps et je n’ai jamais eu la prétention d’inventer quelque chose. Je cherche juste un sentiment réconfortant, des choses qui rappellent l’enfance. Ce qui était excitant avec l’émergence des blogs autour de 2007 était comparable à l’essor des fanzines dans les années 1990 : les gens se retrouvaient autour d’une même idée et on pouvait partager les musiques qu’on aimait. Beaucoup de projets ont émergé sans l’aide de personne à l’époque, comme Yelle par exemple. On était de la génération Myspace et ce qui était formidable c’est qu’il n’y avait que cet outil. Alors qu’aujourd’hui, il existe beaucoup plus de moyens de s’exprimer, mais paradoxalement, il est plus difficile de sortir du lot. On est revenus à un système des majors et j’ai un peu de mal avec ça, elles ont repris le pouvoir.
D’où vient ta fascination pour les États-Unis, que l’on retrouve encore très présente sur le clip du nouveau single Auto Pilot ?
D. G. : Ce clip est le fruit d’une rencontre avec le réalisateur Dan Bell qui parcourt aux États-Unis les malls [centres commerciaux, ndlr] : des temples de la consommation qui en raison de l’évolution de la manière de consommer deviennent pour certains des lieux fantômes. J’y voyais beaucoup de résonance avec la musique que je fais car j’y fais référence aux années 1980, une période qu’on a fantasmée et aimée. C’est beau et triste à la fois, il y avait une forme d’insouciance. College est tourné vers cette culture américaine à laquelle j’ai été biberonné, mais en France on a aussi su la digérer : par exemple il n’y a pas beaucoup de projets similaires aux États-Unis, très peu de synthwave.
Le succès du titre A Real Hero sur la B.O. du film Drive a en quelque sorte fait de toi le roi du bal de promo…
D. G. : Il a permis de mettre en lumière mon travail comme celui de tous ceux qui se sont retrouvés sur ce projet. Comme je suis quelqu’un d’indépendant, qui a son propre label et produit sa musique depuis longtemps, ça m’a permis de continuer avec une certaine liberté.
N’as-tu pas été tenté de mettre des voix sur certains titres de « Old Tapes » ?
D. G. : Non, il y a des moments où les choses sont plus évidentes, comme sur le dernier EP « Save The Day » sur lequel je voulais collaborer avec la chanteuse américaine Nola Wren. Je ne sais pas chanter, alors je remplace le chant par des mélodies de synthé. Ce n’est pas évident de placer la voix pour les gens qui collaborent avec moi !
Même si ces titres ont été écrits sur dix ans, il y a une unité sonore très cohérente. Quel serait le pitch du film idéal que cet album pourrait accompagner ?
D. G. : Un film sur les malls déserts, qui périclitent comme dans le clip de Dan Bell, ça pourrait être un bon départ. Je suis vraiment fasciné par ces endroits abandonnés, un peu étranges, par ce qu’on appelle l’urbex : l’exploration urbaine.
Plus d’infos sur http://www.valeriecollective.com/