2021 M03 23
En 2011, Il n’avait fallu qu’une écoute de « Angles » pour comprendre que les Strokes n’étaient définitivement plus ces potes tellement branchés que l’on aurait adoré faire partie de la même bande. Après dix années à incarner le cool (les slims, les Converse, New York, etc.) en même temps qu'une nouvelle énergie rock, les mecs créaient désormais de la gêne : ils ne se pointent pas en interview, mettent mal à l'aise leur attaché de presse et ne peuvent tellement plus se saquer que Julian Casablancas a fait le choix d'enregistrer seul les voix de ce quatrième album - délaissant, au passage, une bonne partie de l'écriture.
« Je ne sais pas si Julian avait du mal à être avec nous - je ne sais pas ce qui lui passait par la tête. Il y avait des tensions », expliquait le bassiste Nikolai Fraiture à Spin.
Passées ces bisbilles, on se disait toutefois que les Strokes pouvaient s'extirper de tout ce sang versé en interne pour achever cette aventure commune en beauté. Sauf que ne compose pas des « L.A. Woman » ou des « The Sin Of Pride » qui veut, et force est de constater que les New-Yorkais n'ont pas su mettre à profit toute cette tension pour donner vie à des mélodies suffisamment nerveuses, bancales et riches en idées pour continuer, malgré le poids des années, à alimenter les fantasmes.
La vérité, c'est que Julian Casablancas et sa bande ne parviennent pas à trouver ce melting-pop sonore qui faisait la richesse d'un disque comme « Abbey Road », où chaque Beatles s'autorisait de belles audaces, se donner le droit de s’adonner à quelques exercices de style du plus bel effet. Peut-être que les Strokes ne maitrisent pas encore ces sons synthétiques qu’ils tentent d’explorer. Peut-être qu'ils ont gardé leurs meilleures idées pour leurs albums solos, sortis à intervalles réguliers depuis 2008. Quoiqu'il en soit, « Angles » ne suscite rien d’autres que d’intenses bâillements.
C’est que les Strokes ont perdu tout ce qui faisait le sel de leur musique : cette fougue juvénile, ce son de guitare ciselé, ces riffs très courts et très addictifs, ce savoir-faire mélodique qui leur a permis d’être les icônes d’une génération – au point d’influencer directement des groupes comme Arctic Monkeys. Ici, c’est un peu comme si d’anciens jeunes fougueux préféraient ronronner des intentions à peine acceptables sur des faces B (Metabolism, sorte de version vulgaire de Muse…) plutôt que de se battre pour imposer leurs idées les plus audacieuses.
Lancé en éclaireur, Under Cover Of Darkness laissait pourtant espérer du meilleur, surtout que les Strokes disaient s’être inspirés des albums de MGMT et de Crystal Castles pour cette quatrième sortie collective. Sauf que sous ses apparences novatrices et les qualifications abusives de certains médias (Rolling Stone le qualifie de meilleur album des Strokes depuis « Is This It »), « Angles » s’avère en définitive assez consensuel.
Plus rien ne fonctionne ici, ni les hurlements de Casablancas, ni ces mélodies maximales. Il y a bien quelques titres à sauver (Two Kinds Of Happiness, Gratisfaction), mais rien qui ne permette à « Angles » d’être autre chose qu’un disque de transition. Vers « Comedown Machine », vers The Voidz, vers « The New Abnormal », où le son des Strokes retrouve enfin toute son ampleur.