40 ans après, un album rare de Nina Simone enfin réédité

Enregistré en France en 1982 dans l'idée de se « sentir vivante », « Fodder on My Wings » sera de nouveau disponible le 3 avril prochain. En streaming et chez tous les bons disquaires, comme on dit.

Il y a quelque chose de profondément cathartique dans la musique de Nina Simone. Thérapeutique même, tant elle se plaît à se libérer de ses traumatismes à travers des morceaux à la puissance émotionnelle rare. C'est parfois plombant, mais jamais mielleux ; après tout on n'est pas chez Hélène Segara, et c'est tant mieux. Quoique, l'Américaine partage au moins un point commun avec celle qui aime montrer ses amygdales quand elle chante ses peines d'amour : avoir enregistré un disque en France. C'était en 1982 et le disque en question s'appelle « Fodder on My Wings ». Il a été capté au mythique Studio Davout et a été publié par le label hexagonal Carrère.

À l'époque, c'est un évènement : Nina Simone n'avait plus rien sorti depuis « Baltimore » (1978) qui avait surtout été piloté par son producteur. Rien de très rassurant, donc. L’auteur de Sinnerman reprend ici le contrôle de son art : elle est à la fois au chant et aux arrangements, à la composition et à l'orchestration. Le propos est toujours très intime (I Was Just a Stupid Dog to Them), parfois joyeux (Liberian Calypso, où elle raconte cette nuit dans une boite de nuit du Libéria où elle dansa nue pendant des heures) et ouvertement pop, à l’image de cette reprise d'Alone Again (Naturally) de Gilbert O'Sullivan, dénuée de tout artifice et revisitée pour évoquer le décès de son père, survenu dix ans plus tôt.

Par la suite, Nina Simone fera de « Fodder on My Wings » son album préféré. Celui qui vient mettre un terme à une période assez sombre et solitaire, faite de multiples déménagements et de concerts donnés devant un public de moins en moins dense. Celui où on l'entend s'essayer au français, le temps d'un morceau répétitif mais ô combien hypnotique (Vous êtes seul, mais je désire être avec vous). Celui que la presse n'a fait qu'encenser, notamment JazzTimes qui le considère alors comme son album le plus riche et le plus nuancé. Celui qui, en toute logique, a longtemps joui d'un véritable culte, au point que Verve choisisse aujourd’hui de le rééditer en vinyle et CD. Le tout, à partir des bandes d’origine, comme pour ne pas nuire à l'expérience originelle, forcément immersive et intense.