2019 M04 24
Calbo : « Avant d’arriver avec ce premier album, on avait suivi un plan bien précis : on avait posé des morceaux sur différentes compilations, fait quelques duos sur les albums des autres, etc. Là, l’idée était d’arriver avec un morceau rentre-dedans et un style bien affirmé. »
Lino : « On ne voulait pas tomber dans le mimétisme des Américains. C’est pour ça qu’on dit « ouais » plutôt que « yo ». C’est pour ça aussi que l’on s’affichait fièrement en Lacoste plutôt qu’en Tommy Hilfiger ou je ne sais quoi. On prônait une identité purement française, on débarquait avec un morceau qui représentait une sorte de patchwork de ce qu’on faisait à l’époque. »
Lino : « À l’époque, on travaillait en étroite collaboration avec Djimi Finger, notre producteur. Parfois, les instrus amenaient les thèmes, mais là, on l’avait déjà. D’ailleurs, ce n’était pas le même sample à la base. Dans la première version, c’était un sample de Fast Car de Tracy Chapman. On aimait beaucoup, mais il y avait un morceau sur « Back un Business » d’EPMD, K.I.M, un titre avec Redman qui avait une énergie de dingue. J’ai appelé Djimi dans la foulée, on a changé l’instru, il a samplé Bach et le morceau tel qu’on le connaît a pris forme. »
Calbo : « À Sarcelles, tout le monde était très branché L.A. Nous, à l’inverse, on était plus New York, Mobb Deep ou EPMD, donc avoir un tel morceau et s’en servir comme premier single de notre premier album, ça faisait sens. »
Lino : « On était dans une époque très rap, très puriste, donc ce n’est pas courageux d’arriver avec un tel morceau en tant que premier single. Il y avait l’amour de la rime. C’était une carte de visite, il fallait asseoir la réputation d’Ärsenik, un morceau qui soit représentatif de notre identité, comme Sans rémission de la Fonky Family ou Le crime paie de Lunatic. Alors, on a joué avec les lettres, on a exagéré notre style et notre amour pour les rimes multisyllabiques. C’est d’ailleurs pour ça que j’aime autant Boxe avec les mots : parce qu’il y a une overdose de mots, on rappait pour impressionner les rappeurs, on n’avait pas la notion du grand public. »
Calbo : « Il y avait cette facilité d’écriture, on posait la feuille et on y allait. Je me souviens d’ailleurs que les premiers passages sur Skyrock étaient faits avec les maquettes, pas avec la version définitive. Laurent Bouneau aimait tellement le morceau qu’il ne voulait pas attendre. »
Calbo : « Sur Boxe avec les mots, on dit cette phrase, devenue culte même si peu de gens savent qu’elle est de nous : « Qui prétend faire du rap sans prendre position ? » Elle reflétait l’époque, le rap était alors la voix des sans voix, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui : le rap conscient est presque devenu une insulte, les gens veulent se divertir avant tout. »
Lino : « Youssoupha, Kery James ou Keny Arkana : beaucoup ont cité cette phrase, mais tous ces enfoirés n’ont pas versé nos droits d’auteurs [rires]. Après, je trouve que cette phrase n’a plus lieu d’être aujourd’hui. La musique a changé, on n’est plus dans cette dynamique engagée. On est passé du « nous » au « je ». Et, bien sûr, ce n’est pas la faute du rap. C’est un fait de société. On est loin de l’époque où on disait penser à nos proches avant de penser à nos poches. »
Créditis photos : Romain Rigal et David Delaplace.
Ärsenik fête les 21 ans de « Quelques gouttes suffisent... » le temps d'un concert unique le 11 mai à l'Olympia.