2022 M05 18
Ce n’est pas le compositeur le plus en vogue. Ni le plus bavard. Mais Jim Williams parvient, au fil de ses films, à créer son univers, oscillant entre l’ambient, le baroque, la folk, les nappes synthétiques et les batteries martiales. Le compositeur et guitariste anglais, fan de jazz, a fait ses armes à la télévision (il participe aux séries Hotel Babylon, Materia Girl ou encore Minder) avant de passer sur le grand écran. On est alors en 2011, et pour le thriller Kill List de Ben Wheatley, Jim signe une musique ambient et minimaliste qui accompagne la peur et paranoïa qui infuse le long-métrage. Discret, le compositeur est un adepte du « less is more ». Un style qu’il va continuer de peaufiner tout en expérimentant, touche par touche, tout en s’adaptant aux projets sur lesquels il pose ses pattes.
Dès 2013, la critique salue son travail sur A Field in England. Le Hollywood Reporter écrit alors :
« Jim Williams mérite une mention spéciale pour avoir étayé ces scènes pastorales ostensiblement calmes d'une menace constante ». De son côté, The Independent raconte que « tout flotte sans attache. Les dialogues ont le même statut sonore que le vent ou la musique étrange (tambours martiaux, bruits électroniques, la délicate ballade folklorique chantée par Friend) ».
Celui qui raconte que sa passion pour le cinéma remonte à ces après-midis dominicales passés à regarder les grands classiques avec sa famille a désormais un pied dans le 7ème art. Et sa rencontre avec Julia Ducournau pour le film Grave (2017) permet au compositeur de s’aventurer sur un terrain plus ténébreux et sombre. Comparées à deux pointures du milieu — Howard Shore et John Carpenter —, les musiques de ce film, avec des orgues, des thèmes baroques, des notes de piano subtiles et des éléments plus industriels — voire quasi militaires — sont plus denses, plus texturées et plus poétiques. « Avant que Jim Williams ne compose la musique originale de Grave, le montage du film s'est donc fait au rythme de L’Art de la fugue de Bach ou encore des Quatre Saisons de Vivaldi. Des oeuvres qui ont pu inspirer Jim Williams pour écrire la bande originale de Grave », peut-on lire sur Radio France.
En 2021, avec Brandon Cronenberg — le fils du réalisateur canadien David Cronenberg — il reçoit le prix de la meilleure musique au festival du film fantastique de Gérardmer pour Possessor, là encore un thriller ultra violent. Avec le temps, Jim Williams passe maître dans sa capacité à purifier, mais aussi transcender une certaine forme de brutalité et de cruauté. La longue BO de Possessor en témoigne : on a l’impression de marcher sur un fil tendu au-dessus d’un vide interminable, et qu’à tout moment, des démons endormis pourront se réveiller.
La même année, Jim retrouve Julia Ducournau pour signer la BO de Titane. Érotisme, violence, mutations : le long-métrage porté par le duo Agathe Rousselle et Vincent Lindon raffle quasiment tout sur son passage. Et là encore, le succès de cette œuvre est intrinsèquement lié au travail de Jim Williams. À l’instar des compositions de Grave, celles de Titane oscillent entre les percussions métalliques, l’ambient et le baroque. D’ailleurs, l’un des thèmes déclinés durant ce long-métrage est la Sarabande de Haendel, reprise notamment dans Barry Lyndon de Kubrick (1975). « Il entreprend avec le morceau baroque la même mutation que celle que la cinéaste opère sur le corps de son héroïne, jusqu'à rendre la référence méconnaissable », écrit le site Cinezik dans cet article. D’autres références viennent en tête, notamment György Ligeti — dont les musiques ont là encore été reprises par Kubrick dans 2001, l'Odyssée de l’espace ou encore Eyes Wide Shut. Si Jim Williams n’est pas très bavard — il existe peu d’interviews de lui — on peut dire que sa musique parle pour le compositeur. Et parlant de musique de film, c'est le plus beau compliment qu'on puisse lui faire.