Faut-il écouter "Return of the Dream Canteen", le nouvel album des Red Hot ?

Après « Unlimited Love » sorti en avril, les rockeurs américains reviennent ce 14 octobre avec leur deuxième album de l’année, « Return of the Dream Canteen », toujours produit par Rick Rubin. Mais les Américains avaient-ils vraiment assez de bons morceaux pour en tirer deux disques ? Réponse.
  • Peut-on écrire deux albums différents quand ils ont été enregistrés au même moment, dans les mêmes conditions et avec le même producteur ? C’est la question posée ici en filigrane. Car les morceaux qui sortent sur « Return of the Dream Canteen » — un disque considéré avant sa sortie comme plus relax — proviennent des mêmes sessions que ceux que l’on a entendu sur « Unlimited Love »  en avril dernier.

    Les mauvaises langues peuvent déjà dire que ce second service sent le réchauffé, un disque « face B » sur lequel on retrouve les chansons pas assez convaincantes pour avoir intégré le premier disque. Les fans écouteront pour tenter de démêler la direction de cet album. Les deux avis se valent. Et les deux ont raison.

    Les Red Hot ont publié deux singles. Le choix des morceaux reflète bien l’esprit « relax » avancé par le groupe. Tippa My Tongue est un road trip psyché avec une vibe hip-hop old school déroutante qui ne décolle jamais vraiment (assez typique des Red Hot, finalement). Et l’hommage à Eddie Van Halen baptisé Eddie fait partie des plus belles chansons rock de l’année, avec un solo joué avec une sérénité et une maîtrise extraordinaire.

    Sur la base de ces deux titres, les Red Hot apparaissent comme un groupe en phase avec leur époque — John Frusciante a 52 ans, Anthony Kiedis 59 ans et Chad Smith 60 ans — et qui n’essaie pas de rester cool, mais qui a accepté l’idée de vieillir. Ça veut dire quoi, musicalement ? Que grossièrement, on peut placer la mélodie au-dessus du riff, l’émotion avant la frénésie et la quiétude avant la furie rock’n’roll. On baisse le volume des amplis, on boit du thé et on voit ce que ça donne quand, au final, on place la sincérité avant le marketing.

    Certains pourront y avoir une continuité avec « The Getaway » (2016), plus calme et apaisé que ces prédécesseurs. Mais Tippa My Tongue et Eddie incarnent le son d’un groupe en paix avec lui-même qui a enfin trouvé l’équilibre parfait pour continuer à faire de la bonne musique, en prenant du plaisir à se retrouver ensemble pour créer la B.O. de cette nouvelle vie. Okay, le retour du prodige à la guitare pèse fortement dans cette balance. Mais que vaut l’album dans sa globalité ? 

    C'est là où ça complique. « Return of the Dream Canteen » titube. C’est un disque qui côtoie les sommets et sombre dans les profondeurs, avec des morceaux inégaux et un sentiment de « déjà vu » qui finit par lasser — en même temps ils reviennent avec 17 titres, donc le risque de se planter est plus grand. Certains morceaux frôlent avec la perfection (Eddie), d’autres sont bien dosés (Reach Out, Bella, Carry Me Home) tandis qu’une petite minorité reprend des vieux tricks déjà bien usés par le groupe (Peace and Love, Fake as Fu@k, Afterlife et Roulette qui sonne comme une démo non aboutie). Mais ce qu’on finit par retenir sur « Return of the Dream Canteen », ce sont tous les moments où les Red Hot décident de prendre des risques. Les moments « on verra si ça passe ». Spoiler : ça ne passe pas.

    On peut apprécier l’effort réalisé par le groupe, visiblement en confiance pour s’aventurer sur des terrains qu’ils ne connaissent pas. Mais le résultat de ces expérimentations laisse perplexes, comme s’ils n’étaient pas vraiment allés au bout de leurs idées. Sur My Cigarette, titre 80’s inclassable avec une outro de jazz, les Red Hot dérangent presque. The Drummer, qui oscille entre la new wave et la folk, fout le cafard. Bag of Grins tente des pirouettes grunge et metal qui ne fonctionnent pas avec le style des Red Hot. La La La La La La La n’aurait jamais dû sortir du studio et Copperbelly ne génère absolument aucune émotion. 

    La conclusion ? Les Red Hot reviennent bien avec un disque plus « relax », mais plus « mou du genou » aussi. Mais surtout, le groupe aurait eu entre ses mains un bon album… s’ils avaient fait une vraie sélection des morceaux. En en choisissant 9 au lieu de 17, les Américains auraient pu nous épargner les tentatives ratées, les essais non-concluants et les démos à moitié terminées qui, à défaut de montrer qu’ils peuvent encore surprendre, laissent un goût amer dans la bouche. Et c’est dommage, tant le groupe en a encore assez sous la pédale pour jouer un rôle dans l’histoire du rock. 

    L'album s'écoute juste ci-dessous.