Lala &ce vient-elle de sortir l'album que le rap français attendait ?

Contrairement à ce qu'affirmait le magazine Vanity Fair en 2019, Lala &ce n'est plus le « le secret le mieux caché du rap français ». Elle est désormais l'incarnation parfaite d'un hip-hop suave, dont l’unique but semble être de mettre les corps en transe.
  • En 2019, qu’importe ce qu’était réellement « Le son d’après » (une mixtape ? un EP ?), son titre disait vrai : tendre une oreille à la musique de Lala &ce, c’est s’ouvrir à un hip-hop futuriste, hybride, qui n’aurait pu naître ailleurs que dans le cerveau agité de cette jeune femme, 26 ans, freak par définition, mais vouée à faire de sa singularité une nouvelle norme. Difficile, à l’écoute de « Everything Tasteful », de savoir si ce premier album rencontrera un large public, tant chacun de ces quinze morceaux paraît peu accessible, plus novateur qu’immédiatement accrocheur.

    Seule certitude : Lala &ce débarque dans une époque où certains artistes singuliers (Laylow, Dinos, Alpha Wann, Josman), moins taillés a priori pour les normes radiophoniques, accèdent aux Disques d’or, font sold out partout en France et semblent suivis par une armée de fans prêts à les défendre corps et âme sur les réseaux.

    D’où vient cet amour pour cette ex-membre du 667 (Freeze Corleone, Jorrdee, Zuukou Mayzie) ? Peut-être des chansons elles-mêmes : de Sous tes lèvres à In Luv Again, en passant par Show Me Love, « Everything Tasteful » ne parlent finalement que de ça - de relations amoureuses, de rapports charnels, de conquêtes sentimentales, des romances interdites ou conjuguées au féminin.

    Au point de considérer ce premier album comme une musique complaisante au sexe ? Oui, mais plus séduisante, sensuelle et troublée que cul-cul : « Girl j’te donne ça bien/J’suis dans pussy jusqu’à la fin/Sous le parapluie y’a plein plein plein/Quand ça coule j’en ai plein », rappe-t-elle sur Parapluie, un single dévoilé dans une session Colors en août dernier.

    Lala &ce, ce n'est pas simplement un flow langoureux, des beats nonchalants, un sens de l’interprétation atypique et des rythmes ralentis à l’extrême, comme pour simuler l’effet de la lean, drogue à laquelle la Franco-Ivoirienne fait parfois référence. C'est aussi une atmosphère à part entière - un univers spéc&al (du nom d'un des singles inédits parus en 2020), complété par une fine équipe de collaborateurs (Rad Cartier, Blasé, Bamao Yendé & Le Diouck), toujours plus indépendant (« Everything Tasteful » est publié sur son propre label, &ce Recless) et en mouvement.

    Après avoir vécu à Lyon, Paris et Londres, Mélanie Crenshaw (à l’état civil) a décidé de s’exiler à Lisbonne ces derniers mois. À la base, l’idée était simplement de se ressourcer. Mais cette fan de Serena Williams (d’où la deuxième partie de son pseudo, &ce) en a également profité pour découvrir de nouvelles sonorités (angolaises, guinéennes), héritées de la diaspora africaine présente en Lusitanie. Cela s’entend sur Show Me Love et Nytro, dont les rythmiques incitent au mouvement des hanches. Cela vient surtout confirmer la place à part qu’occupe Lala &ce au sein du rap français, elle qui va jusqu’à se considérer comme une « extraterrestre ». Oui, parce que ça n’a rien d’un hasard si les initiales de son album forment le mot E.T.