MorMor est-il ce qui pouvait arriver de mieux à l'indie-pop ?

Après deux EPs prometteurs, ponctués par un single au succès populaire (« Heaven's Only Wishful »), le Canadien signe un premier album qui donne envie de faire des soleils avec les bras, des cœurs avec les doigts, voire même d'arpenter le monde les yeux fixés vers l'horizon. Traduction : écouter « Semblance », c’est vibrer autrement.
  • Trois ans séparent « Semblance » de « Some Place Else ». Trois années au cours desquelles MorMor, 30 ans, ne s’est pas simplement laissé pousser les cheveux. Plutôt que de spéculer sur un son ou surfer sur l’air du temps - celui qui passe et ne transforme rien - le Canadien a préféré peaufiner les contours de son propre label (Don’t Guess) et s’éloigner d’un son typiquement torontois, trop restrictif à son goût malgré ses liens d’amitié avec d’autres figures locales (Charlotte Day Wilson, Daniel Caesar, BadBadNotGood).

    Ne pas y voir là un dédain envers ses origines, ni une volonté d’exploser le format pop : c’est juste que MorMor vise l’universel. Avec, toujours, cette voix tellement proche, tellement aimable et aérienne que chacun de ses onze nouveaux morceaux s’invite dans notre salon, certain d'y amener douceur et réconfort.

    Ce refus de prendre racine, perceptible en interview (« Je pourrais simplement vivre dans mon propre monde », disait-il à Pitchfork), s’entend également sur le plan musical. Formé au piano, passé par une chorale, aussi à l’aise avec une guitare entre les mains qu’avec une trompette et un synthé, MorMor est à ranger dans la catégorie des éternels insatisfaits. Est-ce pour cela qu’il produit et compose tout lui-même ? C’est du moins ce jusqu’au-boutisme qui fait de lui un véritable touche-à-tout, quand bien même c'est avec la grâce qu'il semble avoir noué des liens particulièrement féconds.

    Days End et Quiet Heart ne trompent personne : ce sont là des chansons dans lesquelles l’on se love comme on se pelotonne en hiver sous des plaids en plumes d’ange. Spacieuses, éthérées, portées par le falsetto de MorMor, ces mélodies autorisent à rêver debout, l’air béat et l’âme nomade.

    À l’écoute de Seasons Change et Chasing Ghosts, il est également possible de danser le cœur léger. La faute à des refrains tellement douillets qu’ils invitent à la fête, à plusieurs ou même seul, si tant est qu’il soit envisageable de se sentir isolé au contact de cette pop nourrie de dizaines d’influences. Certains disent que cela est dû aux origines de Seth Nyquist, africaines et caribéennes. On peut y voir aussi les conséquences d'une curiosité maladive l’incitant à tout écouter, tout comprendre : Radiohead et les Beatles font en effet partie du langage courant de MorMor, au même titre que James Blake, The Weeknd (période « Trilogy »), Mount Kimbie ou Toro Y Moi, nettement plus de son âge.

    Cet art de la pop, à la fois souriante et boudeuse, culmine sur Here It Goes Again, ravissante chanson à qui l’on promet le même destin que Heaven's Only Wishful, sorti en 2018 et cumulant plus de 16 millions de vues sur YouTube. En moins de quatre minutes, tout y est : la mélancolie et l'espoir, la vulnérabilité et l'affirmation de soi, mais surtout ce chant évanescent et ce savoir-faire pop qui donne irrémédiablement le sourire. Le même que MorMor : celui d’un artiste qui vient de composer un album de haute tenue et qui sait que tout s’apprête à changer.

    A lire aussi