La belle histoire de « Faces », la mixtape oubliée de Mac Miller

On connaissait Mac Miller pour son rap vulnérable, ses lives d'une beauté touchante ou pour ses addictions. Il faudra désormais vivre avec l'idée que l'on a été privé pendant six ans (du moins, sur les plateformes et en physique) de « Faces », une mixtape essentielle, brillante et aujourd'hui rééditée en vinyle.
  • Dans la discographie de Mac Miller, il a toujours été question d'une certaine forme de dualité : entre ce côté bon élève du rap et son envie d'amener le genre vers d'autres formes (parfois pop, d'autres fois jazz), entre ses rimes noircies par la vie et la volonté de tourner le dos à ce foutu spleen, entre sa quête d'une vie normale et sa relation publique avec Ariana Grande.

    L'Américain, lui-même, s'amuse de cette schizophrénie en multipliant les identités et les projets, tantôt officiels, tantôt lâchés au compte-gouttes sur le web. « Faces », par exemple, est cette mixtape qu'il a presque entièrement produit seul (sous le pseudonyme Larry Fisherman) : on est alors en 2014, Mac Miller a publié un an plus tôt l'acclamé « Watching Movies With The Sound Off », et on sent chez lui l’envie de créer en toute liberté, sans pression, ni attente. Mais quand même au sein d'une immense villa, entouré de ses potes.

    L'arrivée sur les plateformes, et en vinyle, de « Faces » est donc l’occasion de se replonger dans le cerveau malade de Mac Miller, de rappeler que le jeune homme était grandement respecté par ses pairs (Schoolboy Q, Earl Sweatshirt, Thundercat, Vince Staples, Rick Ross sont présents ici) ou de se confronter une nouvelle fois à ses textes tourmentés (« I’m the only suicidal motherfucker with a smile on »), qui prennent évidemment encore plus de sens trois ans après sa disparition.

    Il serait toutefois pertinent de ne pas se limiter au mélodrame contenu dans ses lyrics pour porter une oreille attentive à la musicalité du projet, la qualité de la production, les teintes jazz et boom-bap de certains morceaux, le degré d’excellence (et d’exigence) que l’Américain semblait vouloir injecter dans chacune de ses chansons.

    En 2014, ces 25 titres avaient été dévoilés le jour de la fête des mères. C'est mignon tout plein, ça témoigne en partie de la sensibilité du bonhomme, mais ça n'explique pas pourquoi « Faces » fait partie des projets préférés de ses fans. À cela, trois raisons. Un sens de la production admirable, bien supérieure à ce que nombre de rappeurs aimeraient proposer sur leur album officiel. Un rap de proximité, profondément humain, qui incite Mac Miller à parler des grands évènements du monde réél - l’amitié (Friends), l’amour (Wedding), l’absence (Funeral) ou encore les moments heureux (Happy Birthday). Une extrême sincérité qui donne l’impression de comprendre illico ce qui agite le rappeur américain, dont le mal-être est perceptible ici à chaque instant, dans des textes aptes à faire passer Charles Bukowski pour un coach de vie.

    Le vieux dégueulasse de la littérature américaine est d'ailleurs samplé sur la mixtape, de même que Bill Murray et Hunter S. Thompson. Des échantillons sonores qui ont longtemps privé « Faces » d’un accès aux plateformes de streaming, mais qui expliquent aussi en partie la beauté la musique de Mac Miller, tout en subtilité et en clins d'œil malins. Celle-ci, d’Inside Outside au bonus track Yeah, empeste le déclin et les fêlures, et c’est précisément ce qui lui donne son indéniable puissance.