2021 M04 15
« Sortir un album solo était-il un cas de Force majeure ? » Si l'on imagine déjà des journalistes tout heureux de poser cette question à Gaspard Augé, c’est surtout parce la moitié de Justice aime se jouer des auditeurs avec les titres de ses projets. Force majeure, donc, du nom du single lancé en éclaireur. Mais aussi « Escapades », le titre confié à son premier album solo, qu'il justifie comme « une aventure extra-conjugale après avoir passé 15 ans avec la même personne. »
Loin de Xavier de Rosnay, voire même de Mr Oizo, avec qui il avait enregistré la BO de Rubber en 2010, Gaspard Augé n'a pas abandonné pour autant son goût du maximalisme : c'est à la frénesie de Yes (l'un des synthétiseurs de la formation britannique a été utilisé sur l'album), à la flamboyance des BO de science-fiction et à la démesure d'un space opéra que se mesure cette musique expérimentale, à la fois dansante, proche des rituels païens et irréelle. « J'ai toujours eu envie de faire une musique qui ne soit pas un reflet du quotidien, explique-t-il. Parce que c'est plus excitant. »
Avant de former Justice, Gaspard Augé a longtemps bossé dans le design graphique, et cela se ressent presque à chaque seconde d'« Escapades », toujours à la limite du grandiose, toujours prêt à flirter avec des ambiances cinématographiques. Y compris dans le clip de Force Majeure, qu'il décrit volontiers comme la bande-son d'un combat de robots.
Pour cela, le Parisien a fait appel à Filip Nilsson, qui avait déjà réalisé la vidéo de Heavy Metal pour Justice, s'est rendu en Turquie et a décidé de tourner l'ensemble chez Bosphorus, un célèbre fabricant de cymbales. « Nous étions vraiment attirés par l'aspect visuel épique de la fabrication des cymbales, le bronze, le feu, les marteaux, quelque chose de quasiment mythologique, primaire comme Vulcain ou les Nains ».
Comme à son habitude, Gaspard Augé ne recule devant aucune extravagance, aucun effet baroque. « Escapades » est à l'image de ce qu'il aime : influencé par la musique de films (Moroder, John Barry, Vladimir Cosma), dépourvu des notions de bon ou de mauvais goût, et attiré par la spontanéité. Après tout, ce premier album solo a été enregistré en à peine deux mois, entre le Studio du Futur de l'Audiovisuel et Motorbass, qui appartenait à Philippe Zdar.
Un processus relativement rapide, qui contraste avec les longues sessions, parfois chronophages, menées au sein de Justice. Simple envie d'ailleurs ? Plutôt une expérience qui lui permet d'adopter une approche volontairement naïve, de sortir son projet rapidement, et aussi d'être d'ores et déjà de retour en studio aux côtés de Xavier de Rosnay. Dans certains milieux, on appelle ça faire coup double.