Toutes ces fois où les modèles d'une pochette ont attaqué les artistes

Fierté ou fardeau ? Bien souvent, les groupes choisissent de mettre en valeur d’autres personnes sur leurs pochettes d’albums. Membres de la famille, mannequins professionnels, ou parfaits inconnus, ils permettent d’apporter une autre perspective à la promotion du disque. Malheureusement, il arrive que ça ne soit pas du goût de la personne concernée…
  • Le cas Spencer Elden a récemment fait beaucoup de bruit : trente ans plus tard, le bébé de la pochette de "Nevermind" souhaite entamer des poursuites judiciaires pour pédopornographie. Il faut dire que les photographies d’enfants ou adolescents dénudés véhiculent leur lot d’indignation.

    En 2015, un député russe portait plainte contre Apple en raison de la pochette du dernier album de U2, « Songs Of Innocence ». On y voit un homme enlacer un adolescent torse nu, ce qui, pour Alexander Starovoitov, est un message pro-gay, interdit en Russie. En réalité, elle met en scène le batteur du groupe Larry Mullen Jr. et son propre fils. Quant à la mise en scène d’enfants qui n’ont rien demandé, cela ne date pas d’hier : en 1969, le supergroupe d’Eric Clapton, Ginger Baker, Steve Winwood et Rick Grech sort son premier disque. Scandale : la pochette arbore une jeune fille de 11 ans torse nu, du nom de Mariora Goschen. C’est sa sœur de 14 ans qui devait poser, mais finalement, le photographe Bob Seidemann préfère Mariora. D’abord réticente, elle est finalement convaincue par sa grande sœur : « fais-le, ils vont t’offrir un cheval ! ». Hélas, elle a dû se contenter de 40 livres. 

    Mais il y a également d’autres affaires qui ont réclamé l’action de la justice. En 2012, David Fox a annoncé vouloir porter plainte contre le groupe Placebo. En effet, il est cet enfant grimaçant sur la pochette de leur premier album, sorti en 1996. Fox affirme que ce disque a ruiné sa vie, alors qu’il n’a jamais donné son accord pour y apparaître. C’est son cousin, photographe professionnel, qui l’a photographié lors d’une après-midi, sans rien lui dire à propos de Placebo. Pourtant, la popularité du disque a eu des conséquences sur sa vie : mise à l’écart, brimades, harcèlement, Fox déclare avoir dû interrompre sa scolarité un an plus tard.

    Toutes les apparitions d’inconnus ne se finissent pas aussi mal. Dans le cas de Vampire Weekend, par exemple, un accord à l’amiable a été trouvé. En 2010, les quatre New-yorkais devenaient célèbres avec leur second disque, « Contra », et cette photo d’une mystérieuse jeune femme blonde. Il s’avère que la femme en question, nommée Ann Kirsten Kennis et photographiée en 1983, n’a jamais donné son accord pour une telle exploitation. Elle réclame ainsi 2 millions de dollars au groupe et au label XL Recordings. Ceux-ci trouvent un accord à l’amiable, resté secret, et engagent des poursuites contre le photographe, qui leur a affirmé détenir tous les droits sur la photo en question. Kennis a réfuté : « juste, n’utilisez pas ma photo n’importe où ».

    Le groupe de grunge de Seattle Tad a aussi fait les frais de l’emploi d’une photo trouvée par hasard. En 1991, ces proches de Nirvana sortent leur second disque sur le label Sub Pop. Nommé "8-way Santa", il montre un couple, torses nus, un homme avec la main sur la poitrine d’une femme. L’image a été trouvée par hasard, comme l’explique Tad Doyle, le leader du groupe, en 2016 pour Vice : « Quand tu obtiens une photo dans un magasin de charité, tu ne te dis pas que quelqu’un en a quelque chose à faire ». Pourtant, la femme de la photo, Patricia Rogers, devenue chrétienne « born-again » et remariée, demande une compensation à Sub Pop. Le label lui offre 2500 dollars, et change la pochette en catastrophe, faisant de l’originale une pièce recherchée.

    Parfois, même l’emploi d’une photo de presse peut mal finir. Pour leur troisième album, en 1985, les Dead Kennedys, patrons du punk hardcore, mettent en vedette quatre Shriners. Cette organisation, proche des francs-maçons, organise souvent des parades, et adopte des rituels orientalisants. Ainsi, sur la photo choisie par le groupe, on les voit dans des voitures minuscules, des fez vissés sur la tête. Cependant, les shriners ne goûtent pas à l’ironie que cela crée, et règlent l’affaire devant les tribunaux. Le juge les déboute, et dix ans plus tard le procureur à lui-même reconnu que la plainte était abusive. Ironie finale : les shriners n’auraient jamais appris l’existence de ce disque sans la présence d’une autre image provocatrice dans le disque. En effet, l’image intérieure est une reproduction de l’oeuvre « Penis Landscape » du Suisse HR Giger (créateur de l’Alien des films, notamment). On vous laisse imaginer son contenu, qui a bien sûr entraîné des plaintes d’associations de protection de la jeunesse aux États-Unis, attirant l’attention sur le disque.

    Parfois, tout tient à un bête oubli. L’année 1989 marque la fin d’une époque et le début d’une autre pour les Red Hot Chili Peppers. L’album « Mother’s Milk » voit l’arrivée de deux musiciens phares du groupe : John Frusciante à la guitare et Chad Smith à la batterie. Mais c’est également la pochette du disque qui a marqué les esprits, mettant en scène les quatre musiciens dans les bras d’une divinité féminine immense, et nue. Deux séances photos avaient été organisées : l’une avec la copine d’Anthony Kieidis de l’époque, l’actrice Ione Skye, et l’autre avec le mannequin Alaine Dawn. C’est finalement cette dernière qui est choisie, mais personne ne songe à la prévenir. Si les premières affiches sont censurées dans plusieurs pays, elles déclenchent également la colère de Dawn, qui réclame 50 000 dollars de dédommagement.

    On pourrait citer encore de nombreuses personnes n’ayant pas donné leur autorisation pour apparaître sur une pochette de disque. Le catcheur Billy Two Rivers, par exemple, sur la couverture du 37ème album de Van Morrison, « Roll With The Punches », ou encore l’astronaute Bruce McCandless II sur la pochette de l’album « Safe Trip Home » de la chanteuse Dido.

    Mais porter plainte alors qu’on n’apparaît pas sur la pochette est bien plus rare. C’est pourtant ce qu’a fait Kevin Brophy Jr., à l’encontre de la rappeuse Cardi B. Révélée par une émission de téléréalité, cette dernière faisait en 2016 ses débuts musicaux avec la mixtape « Gangsta Bitch Music Vol.1 ». La pochette donne le ton : on la voit une bouteille à la bouche, les jambes écartées, entre lesquelles se trouve un homme à genoux et de dos. Celui-ci porte un tatouage d’un serpent et d’un tigre, directement inspiré de celui que porte Brophy. Si Cardi B et son équipe affirment que des changements suffisants y ont été apportés, ce n’est pas l’avis du mannequin. L’affaire est toujours en cours. Comme quoi, parfois, mieux vaut rester simple.

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