Tina Turner, pionnière de l'empowerment féminin ?

Décédée le mercredi 24 mai dernier à 83 ans, Tina Turner ne saurait être résumée à seulement quelques tubes. Évoquer l'Américaine, c'est aussi parler d'une femme qui a choisi de s'émanciper (d'un homme violent, d'un monde ségrégationniste et patriarcal) pour devenir une icône. Pas pour rien si Beyoncé, Herbie Hancock ou Mary J. Blige n’ont jamais masqué leur admiration pour l’Américaine.
  • On a l’habitude de dire que derrière chaque réussite d'un homme se cache une femme. Ce dont on parle moins, ce sont de ces monstres qui se cachent parfois derrière ces hommes de pouvoir, et dont les femmes doivent savoir se défaire. Dans les années 1970, c’est en tout cas ce par quoi est passée Tina Turner, convaincue qu'il est temps de s'émanciper de sa relation toxique avec Ike Turner, celle dans laquelle elle s’est enfermée pendant deux longues décennies.

    Il n'est pas question de redevenir Anna Mae Bullock, cette petite fille d'à peine 18 ans qu'elle était lorsqu'elle a rencontré Ike Turner, mais bien de ne plus subir les nombreuses violences (physiques, psychologiques, économiques) d'un homme tyrannique, addict à la cocaïne et aux relations extra-conjugales. Alors, en 1976, avant une performance à Dallas, l'Américaine rassemble quelques euros dans sa poche, claque la porte, et compte bien tenter sa chance en solo. Au passage, elle assume le remboursement de toutes les dettes du couple causées par les annulations de contrats.

    Les débuts sont difficiles : « Rough » (1978) ? Un échec. « Love Explosion » (1979) ? Un four commercial. Mais qu'importe, Tina y croit dur comme fer. Après tout, une nouvelle décennie s'annonce. Et celle-ci réserve son lot de surprises. Par exemple, ce n'est pas aux États-Unis, mais en Europe que Tina Turner va trouver son salut, remplissant des grandes salles, collaborant avec la British Electric Foundation ou Mark Knopfler, accumulant les hits en Angleterre.

    Puis vient « Private Dancer » (1984), ses tubes en pagaille, ses hymnes voués à reconquérir le marché américain et à tout rafler aux Grammy Awards. Illico, Tina Turner redevient une icône, selon un storytelling dont l'Amérique raffole : celle d'une femme qui, par volonté de ne plus être le produit (et le punching-ball) d'un homme, a accepté de tout perdre pour vivre ses rêves avant de goûter à nouveau au succès populaire - « Private Dancer », c’est tout de même plus de 20 millions d’albums vendus à travers le monde.

    Au cours des années 1980, c'est une certitude, Tina Turner a repris le contrôle : sur sa vie, sur son parcours, mais aussi sur sa musique. Elle est cette artiste dont on admire le tempérament incroyable, cette bête de scène, cette femme qui est passée du monde de la ségrégation à celui des tapis rouges, des hits-parades et du gotha hollywoodien (Mad Max, Golden Eye, Last Action Hero). Forcément, cela inspire. À commencer par Oprah Winfrey, qui, en 2005, s’adresse à la chanteuse ainsi : « Nous n'avons pas besoin d'autres héros, nous avons besoin de plus d'héroïnes comme vous, Tina. Vous me rendez fière d'épeler mon nom f-e-m-m-e. […] Tina Turner n'a pas seulement survécu, elle a triomphé. »

    À croire que, oui, défintiviement, Tina Turner, ce n'était pas qu'une histoire de talons aiguilles et de robes scintillantes sur scène : c'est aussi le symbole d'une fierté retrouvée et d'une femme moderne qui a pris le risque de s'affirmer et de porter un combat à une époque où personne n'était prêt à l'entendre.

    Crédit photo : pochette de l'album "Private Dancer"

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