2017 M10 5
Décloisonner. Il suffit de jeter un coup d’œil aux sorties des derniers mois pour constater l’ampleur du mouvement. Qu’il s’agisse des deux volumes de « Digital Zandoli », de la compilation « Disque La Rayé » publiée chez Born Bad Records ou encore « Oté Maloya » chez l’excellent Strut Records, tous ces disques ont replacé le zouk, le boogaloo, le maloya et toutes les musiques issues des Antilles au cœur de la cartographie musicale mondiale.
Zouk machine. « En France, on a d’abord une culture littéraire et culinaire. Aux Antilles, on aime les sound-systems, le carnaval. » Dans une interview aux Inrocks, Kalash, nouvelle idole de la jeunesse française d’Outre-mer, résume ici la particularité des musiques antillaises, qui connaissent aujourd’hui une réhabilitation bien tardive. Autrefois complétement ignorées ou décriées comme de la musique de seconde zone, celles-ci ont maintenant des admirateurs parmi ceux-là même qui auraient préféré mourir plutôt que d’être surpris à écouter un album de Kassav’ ou des Vikings de la Guadeloupe, deux entités pourtant parfois plus avant-gardistes que ne le croit le grand public.
Les îles aux trésors. Juger ringarde (ou pire, folklorique) la musique de ces groupes, c’est en effet oublier un peu vite que la house a beaucoup samplé les percussions des disques antillais. Le hip-hop américain également : Do It de Q-Tip doit ainsi ses gimmicks à La biguine des enfants du bon Dieu de Kali. C’est oublier aussi qu’un tas d’artistes, de Champagn’ à Michel Alibo, en passant par Joby Valente ou Gaby Et Les Soul Men, se sont très tôt frottés avec panache aux synthétiseurs, aux boites à rythmes et aux sonorités hybrides, héritées du funk, du disco, du boogie ou de l’afrobeat. Écoutez Défoulé 3ème Age de Daniel Sandié et vous comprendrez : on est ici très loin de ces orchestres de zouk en chemises à fleurs ou de tous ces artistes chantant des textes salaces avec un large sourire (coucou Francky Vincent !).
« C’est la musique du futur », disait Miles Davis en 1989 en parlant de Kassav’. Et il avait raison : en 2017, du rap français (PNL, Booba,…) aux musiques électroniques (Riton, Major Lazer), nombreux sont ceux qui puisent leur influence au sein de la diversité des musiques antillaises, d’hier à aujourd’hui. Un peu comme si on avait fini par comprendre que celles-ci ne sont pas uniquement un témoignage des migrations et mutations musicales dans le monde créole, mais qu’elles renferment en elles une inventivité, une audace et une richesse (géographiquement, les Antilles sont au croisement des cultures françaises, latines et américaines) que l’on a envie d’écouter sous toutes les latitudes possibles. Et à presque toutes les heures de la journée.