Pourquoi Snoop Dogg est le meilleur ami de l’homme

  • Depuis plus de 20 ans, le rappeur de Los Angeles fait l’unanimité au pays du PNL bashing. Comment un chien de la casse a-t-il gagné sa place à la table des grands, et pourquoi tout le monde l'aime ?

    C’est un des rares consensus qu’autorise l’écoute de la musique depuis un quart de siècle. Qu’on soit amateur ou non de rap, qu’on vibre ou non au chant de Tim Buckley ou à la prise de Michel Sardou, on sourit avec bienveillance lorsque le nom de Snoop Doggy Dogg apparaît dans une conversation, quand un de ses hits passe à la radio ou que sa silhouette de lièvre mal réveillé se profile sur un écran. Il ne s’agit pas seulement de sympathie, d’humour ou de popularité. À la différence de ses congénères (Dr. Dre retiré dans un studio, LL Cool J présentateur TV qui sourit trop, Jay Z simple époux de Beyoncé, Ice Cube acteur à Hollywood, Ice T figurant pour la téléréalité, Biggie enfermé entre quatre planches, Kanye West génie perdu dans les affres du stylisme ou Eminem rappeur convalescent) Snoop survit à sa propre légende, la prolonge et atteint un degré unique d’universalité. Il y a là une énigme à résoudre et peut-être l’occasion de comprendre en creux pourquoi trente ans après son éclosion, à l’exception de l’échalas de Long Beach, le hip hop divise encore.

    Ceux qui l’ont découvert en 1992 ne s’en sont jamais remis

    Si, à l’instar du super-héros Luke Cage, les stars de hip hop aiment faire leur entrée en brisant des murs, Snoop est arrivé dans l’histoire de la musique par une porte dérobée. Non pas lors de la sortie de son premier album solo, « Doggystyle », mais un an plus tôt, en véritable fantôme, hantant 14 des 16 morceaux du premier album de son camarade Dr. Dre, « The Chronic ». Avec sa voix nasillarde et sa décontraction, il fait figure de parfait complément du maître surjouant la colère. À lui la lumière de Los Angeles, les filles faciles de Nuthin’ but a ‘G’ Thang, les balades en cabriolet dans Let me Ride, à l’autre les rues non éclairées de Compton, les armes dans le coffre et le poing levé.

    Il a 1000 visages

    Lorsque Jean-Baptiste Mondino le photographie pour la première fois, il est frappé par la douceur de son physique : visage anguleux, longs cils, silhouette dégingandée, mains de pianiste… Soit l’exact inverse du gabarit gangsta-rap. Snoop n’a jamais cessé d’en jouer. À chaque apparition, il porte une nouvelle coiffure : coupe afro, boucles, dreadlocks, cornrows, tresses, longues mèches… À tel point que le site Buzzfeed lui a attribué le prix des « meilleurs cheveux de tous les temps ». Ce serait un détail si cela ne reflétait pas sa versatilité. Il s’est ainsi essayé au reggae avec succès avec son avatar Snoop Lion, à la country avec Willie Nelson à Nashville. Il chante avec absolument tout le monde, de R. Kelly à Bruno Mars, en passant par Gwen Stefani, Miley Cyrus ou David Guetta. Il a même enregistré un titre avec Jamel Debbouze pour le film Astérix et Obélix : mission Cléopâtre… Bref, chacun y trouve son compte.

    Attention chien méchant

    Alors que la street cred solidifie toujours la réputation des mauvais garçons, Calvin Broadus passe, depuis ses débuts, quasiment chaque année devant la justice. Et pas seulement pour s’être fait pincer avec de l’herbe lors d’un contrôle de police. En plein enregistrement de son premier album, il est accusé du meurtre d’un membre d’un gang rival. Défendu par Johnnie Cochran, l’avocat de O.J. Simpson, il s’en sort. Depuis, il a accumulé de multiples ports d’armes illégaux, possessions de drogues de toutes sortes, une baston avec un fan, un acte de vandalisme dans une boutique de duty-free à Heathrow à coups de bouteilles… Autant de coups d’éclats qui lui ont valu d’être interdit de séjour en Angleterre, en Norvège et en Australie.

    Il bosse comme un chien

    Ne pas se fier à ses yeux rougis, à ses retards aux interviews et autres déclarations fantaisistes. Snoop bosse, en témoignent ses quatorze albums solos depuis ses débuts, la dizaine de disques sortis en collaboration avec d’autres artistes (sous les noms de Tha Dogg Pound, Tha Eastsidaz et 7 Days of Funk notamment) et des dizaines de featurings, avec Pharrell notamment. Il y a certes à boire et à manger dans sa niche, avec une mention particulière pour les productions méconnues de « Bush », son avant-dernier album, celles de « Tha Blue Carpet Treatment » en 2006 et de « The Last Meal » (2000). Avec une vingtaine de titres par album, même les moins fans trouvent au moins un os à ronger.

    Il est fait pour l’écran

    Si Dr. Dre se montre invisible sauf lorsqu’il l’a décidé, Snoop est absolument partout. Drôle, photogénique, plein de second degré, il a ainsi tourné dans une cinquantaine de films et de séries en jouant le plus souvent son propre rôle, signe qu’il est totalement ancré dans la pop culture. Dès 2003, son personnage entre dans le monde des jeux vidéo avec True Crime : Streets of L.A. Dix ans plus tard, il bénéficie de son propre jeu Way of the Dogg. Amateur de porno, il réalise des films sous le pseudo Michael J. Corleone. Il n’hésite pas aussi à présenter des matchs de catch ou à coacher des équipes de football américain. Et depuis peu, il commente de manière hilarante des documentaires animaliers. L’entertainment, c’est lui.

    Snoop est old school

    Snoop ne cesse jamais de revenir en arrière. Dès son premier album, il invite The Dramatics, groupe de Détroit formé en 1964, sur Doggy Dogg, puis George Clinton, pionnier du funk, Stevie Wonder à plusieurs reprises et son camarade, Charlie Wilson, membre fondateur de The Gap Band. C’est lui qui rend également hommage à Johnny Cash, « a real American gangster » dans My Medicine, titre qu’il lance en concert en célébrant la country : « La country, c’est comme chez nous, ils boivent, ils fument et ils vont en prison. » Si vous le croisez dans les rues de L.A., ce sera dans une Pontiac Parisienne de 1967 ou dans une Rolls Royce.

    Snoop est un stoner

    La fumette n’a jamais eu de meilleur ambassadeur depuis Bob Marley. Il en parle à longueur de titres, vante les nouvelles herbes en vogue à Los Angeles, sample régulièrement les sons d’une personne tirant sur un joint, investit dans Ease, une start up qui livre de la weed légale à domicile, sa boîte de prod s’appelle Merry Jane, vend des produits contenant de l’herbe via sa société Leafs By Snoop… Comme beaucoup, il a essayé en vain d’arrêter, avant d’avouer qu’il continuait de fumer… 80 joints par jour.

    Tout le monde aime la levrette

    Ou du moins « Doggystyle » son premier album, qui a révolutionné les production hip hop en 1994. On y entre en charmante compagnie avec la musique de Curtis Mayfield, avant de découvrir hit après hit, de Gin & Juice à Murder Was The Case They Gave Me. D’un seul coup, un pont entre le funk cosmique de George Clinton et le rap d’Above The Law était bâti et le monde entier dansait dessus. Les mots Indo et Biatch entraient dans le vocabulaire des Français. À ce jour, il s’en est vendu onze millions de copies dans le monde. Bow wow wow youpi yo youpi ye.

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