

Rolling Stone, adjugé vendu
2016 M10 4
Après quinze mois de deal, le magazine Rolling Stone s’apprête à faire entrer un investisseur étranger dans son capital pour la première fois de son histoire.
En vendant 49% des parts de Rolling Stone à une entreprise de musique en ligne singapourienne, Jann Wenner, le fondateur historique et éditeur du magazine, entame un grand virage dans la gestion d’un titre qui a toujours entièrement appartenu à sa propre maison, Wenner Media. Le Hollywood Reporter nous apprend ainsi que Rolling Stone se cherche en Asie. « Nous espérons emmener la marque vers de nouveaux marchés. […] Notre croissance sur le digital a été fantastique, mais [ce partenariat asiatique est nécessaire] pour vraiment transformer le business », explique Gus Wenner, le fils de son père et accessoirement chef du digital de La Marque Rolling Stone.
L’homme qui se paye presque la moitié du magazine s’appelle Kuok Meng Ru. Il est le fils du milliardaire de l’agroalimentaire Kuok Khoon Hong et puis, que sait-on de lui ? Que l’entreprise qu’il a créée en 2015, BandLab, est un réseau social de la musique pour fans et artistes. Dit comme ça, ceux qui sont nés avant 2008 ressentiront un arrière-goût de Myspace (#RIP) et se souviendront qu’il faut bientôt arroser les fleurs de leurs comptes pour la Toussaint.
Pour Jann Wenner, on ne sait pas encore quelle quantité d’oseille cette transaction représente. C’est la première fois que ce patron charismatique (actualisation 2016 : vieux beau) ouvre son journal à des capitaux extérieurs. Fondé en 1967 à San Francisco avec une poignée de 7500 billets empruntés à la famille, Rolling Stone est le bébé de Jann Wenner et d’un journaliste jazzeux, Ralph J. Gleason. Il est faible de dire qu’il sera la base de lancement d’une contre-culture musicale et politique durant les décennies 60-70, période où le bimensuel fera découvrir à l’Amérique les talents de chiens fous tels Cameron Crowe, Lester Bangs, Joe Klein, Joe Eszterhas, P. J. O’Rourke, Annie Leibovitz ou Patti Smith qui fut pigiste avant d’être reconnue en tant que chanteuse. Le plus célèbre des journalistes de Stone, Hunter S. Thompson, y officiera sur cette période, créant le « Bureau des Affaires Intérieures », capsule véloce destinée à accueillir ses grands reportages politiques.
En 1977, le magazine s’installe à New York. Il ramollit. Sa ligne s’ouvre sur des sujets de l’entertainement, sur laquelle Hunter Thompson écrira : « En Californie, c’était un magazine hors-la-loi. À New York, c’est devenu un magazine de l’establishment et je n’ai jamais bien travaillé avec des gens comme ça. Aujourd’hui, à Rolling Stone, il y a des rangées et des rangées de cubicules blancs, chacun avec son ordinateur. C’est comme ça que j’ai commencé à haïr les ordinateurs. Ils représentaient tout ce qui n’allait pas à Rolling Stone. C’est devenu une sorte de compagnie d’assurances avec des gens qui communiquent d’un cubicule à l’autre.[1] »
Aujourd’hui, Rolling Stone est un magazine qui a un penchant certain pour les listes et les classements des 500 meilleurs machins, des 100 meilleurs trucs, etc. Le titre est disponible dans dix-huit éditions à travers le monde selon Wikipedia et chez nous, la rédaction en chef de l’édition mensuelle du titre vient d’être confiée à Aymeric Caron, prenant la succession d’Alain Gouvrion. Pour en savoir plus, bientôt notre top des 100 meilleurs rédacteur en chef.
[1] Écrit à Woody Creek en 1990 et disponible dans les Nouveaux commentaires sur la mort du rêve américain, éd. Tristram