

Rencontre avec Chroniqueur Sale, dernier soldat du rap français
2019 M08 27
À la fois chroniqueur, beatmaker et trouble-fête du rap, Le Chroniqueur Sale tient sans doute la chaine YouTube la plus calée du rap français. Au service des MC comme du rap, sa mission est de remettre l’authenticité au centre des débats. Il a pris le temps de nous expliquer tout ça par téléphone.
Un peu d’ordre dans ce rap jeu. Visage masqué et voix reconnaissable entre mille, Le Chroniqueur Sale débarque sur YouTube il y a trois ans avec une première chronique sur PNL, alors nouveaux dans le paysage du rap français. Une première vidéo qui va donner le ton de la chaine : sans filtre et « pour faire entendre un autre son de cloche » sur les sorties du moment. Bingo, la qualité de l’analyse et la justesse des arguments font que chaque mot du Chroniqueur est encore d’actualité aujourd'hui.
Mais au-delà de décortiquer le rap et d’essayer « modestement d’éduquer les nouvelles générations de passionnés de rap », le Chroniqueur est avant tout là pour faire front face aux guignols « qui ne respectent pas leur art, qui n’en maitrisent ni l’histoire, ni les codes et qui sont là uniquement pour faire de l’oseille ». Si le rap est un jeu, pour lui c’est aussi et avant tout quelque chose de sérieux. Autant dire que les « phénomènes » comme Koba LaD l’exaspèrent un chouia : « C’est la synthèse de ce que je dis depuis trois ans, le mec débrouillard mais complètement inculte et porté au pinacle par les auditeurs et des majors qui ne savent plus qui elles signent. » Voilà, c'est dit.
Une approche sociologique de la musique et du rap. À lire entre les lignes du Chroniqueur, on comprend vite que le rap est plus qu'un genre musical. C'est pour lui un reflet de la société française dans son ensemble. Racisme, homophobie, complexe d’infériorité ou la fameuse expression de « rap de iencli », Le Chroniqueur Sale met les pieds dans le plat et fait éclater tous les tabous avec un franc-parler et une dose d'humour qui font du bien. Pour lui, derrière toutes les pseudo querelles sur le rap de blanc, de cité, ou gangster, le vrai nerf de la guerre c’est l’authenticité.
La recherche permanente de l’authenticité. Même s’il lui arrive de mettre des bons tarifs aux rappeurs les plus vendus et/ou talentueux, le Chroniqueur s’efforce de rester objectif. Dernier exemple en date, Les Étoiles Vagabondes de Nekfeu, « un album faussement subversif, mais ultra réussi, qui respecte le rap et qui sera sans doute le meilleur de l’année dans la catégorie ». Pour lui, c’est ça la clé : rester authentique et ne pas s’inventer une vie pour vendre des disques. « Si tu viens d’un petit village prospère et que tu te la ramènes en mode gangster, c’est mort direct. C’est grillé, ça pue le faux. Ce qui fera que ça dure, c’est l’authenticité. Sinon, ça finira par se voir et t’auras plus rien à dire. Nekfeu, il est dans son délire, mais il est authentique. »
Des live YouTube pour aider les jeunes MC. Véritable couteau suisse, le Chroniqueur Sale balance également sur sa chaine YouTube de longues performances live nocturnes dans lesquelles il donne son avis et ses conseils à de jeunes rappeurs qui lui envoient leurs morceaux. Il n’hésite pas à souligner les bonnes intentions, mais aussi et surtout à flinguer ceux qui ne respectent pas le rap, non sans humour. « Ils sont avant tout là pour donner de la force et des conseils à des jeunes rappeurs qui en demandent. Parfois, il y a plus de viewers sur le live que les mecs n’ont d’abonnés, alors ils sont hyper fiers de passer. »
Présent sur tous les fronts, les dons pendant les live - comme pour les stars du gaming - lui servent aussi à financer ses projets perso. En mars dernier, il a sorti son premier projet « Sale #1 » avec notamment un feat remarqué avec Alkpote sur Moonrock. Les dons des prochaines sessions serviront donc à financer le deuxième projet du Chroniqueur Sale, prévu dans quelques mois, et sur lequel il y aura comme pour le premier, au moins un morceau en feat avec un rappeur déniché par ses soins. La boucle sera une nouvelle fois bouclée.
Pour mater, c'est par là.