2018 M05 11
Fuck the police. Le 26 mai 1995, la tension est palpable : accusés d’avoir participé à un plaidoyer anti-flics, les acteurs de La Haine montent les marches du tapis rouge et font face au boycott des forces de l’ordre. Mais qu'importe : l'heure est aux réjouissances. Pour l'occasion, des dizaines de rappeurs marseillais et parisiens se tiennent à leurs côtés, prêts à soutenir le film de Mathieu Kassovitz et défendre la compilation « La Haine, musiques inspirées du film ». Parmi eux, les fines plumes du hip-hop hexagonal des années 1990 : La Cliqua, Expression Direkt, Assassin, ou encore IAM et Ministère A.M.E.R. Problème : le fossé entre le chic embourgeoisé de la Croisette et l’authenticité de ces jeunes artistes issus des banlieues se fait vite ressentir.
Street cred. « Quand Mathieu Kassovitz nous parlait de _La Haine, on lui disait : « C’est cool comme thème, mais personne ne va s’intéresser à ça. La banlieue et le hip-hop, ce sont deux trucs de crevards ! », explique aujourd’hui Nuttea, présent sur le morceau _La 25ème image. Finalement, ça a super bien marché ! Seul problème : la plupart d’entre nous n’étions pas prêts pour ça. Pour tout te dire, je devais monter les marches avec IAM, mais ils refusaient de mettre un costume. J’y suis donc allé seul. »
Entre les Marseillais qui refusent de s’endimancher et un Solo qui souhaite monter les marches avec le maillot du PSG sur les épaules, le contraste est saisissant. Et ne plaît pas à tout le monde : « Quand on croisait des gens qui se la racontait un peu trop ou des riverains qui nous faisaient des queues de poisson en voiture, se souvient Weedy d’Expression Direkt dans un entretien à So Film, on s’amusait à les courser dans tout Cannes pour les taper. »
Rois de Cannes. Dans la foulée de la projection, l’équipe du film organise une soirée barbecue sur le parking de l’Hôtel du Palm Beach. Les merguez répandent leur odeur, les joints tournent, l’alcool aussi et, bientôt, ce sont plus d’une trentaine de B-boys qui s’ambiancent tranquillement sous le soleil cannois. Loin de leurs quartiers respectifs, c’est l’occasion pour eux de jouer à leur manière le jeu du showbiz.
Et d’en profiter pour annoncer la révolution en cours. « Aujourd’hui, les gens disent que ce film est culte, qu’on avait de la chance de participer à un tel projet, précise Dany Dan. Mais on ne s’en rendait pas compte à ce moment-là. On s’est simplement dit qu’on allait créer notre époque, qu’on allait révolutionner le rap. Ça a marché, apparemment. »