Comment un cuiseur à riz a inspiré la pochette du "Aladdin Sane" de Bowie ?

Toutes les pochettes d’album de David Bowie ont marqué leur époque. Celle de “Aladdin Sane”, sorti en 1973, encore plus que les autres. Elle marque la création d’un nouveau personnage, qui a donné son nom à l’album, avec un maquillage très particulier. Et forcément, Bowie a pris soin de laisser un message caché derrière cette pochette culte.
  • Oui, l'énorme éclair rouge et cette larme au bas du cou ne sont pas arrivés là par hasard. Et non, à l’origine, ce ne sont pas des idées de Bowie. La photo pour la pochette de “Aladdin Sane” a été prise par Brian Duffy au studio Trident, en plein cœur de Londres, seulement trois mois avant la sortie de l’album. Pour créer cette cover, Bowie a fait appel au célèbre photographe, mais aussi à Pierre Laroche (maquilleur) et Philip Castle (graphiste). Une équipe d’Avengers sans qui “Aladdin Sane” ne serait jamais né.

    Lorsque Duffy s'installe pour le shooting en janvier 1973, Bowie est en train d’enregistrer le morceau Let’s Spend the Night Together qui finira sur l’album. Il aura fallu plusieurs heures de discussion entre le photographe, le chanteur et le maquilleur pour arriver au résultat final. A ce moment-là, Duffy est déjà connu dans le monde entier. Dans le livre Duffy/Bowie, Tony Defries (le manager de David) explique pourquoi avoir choisi ce type : "Faire appel à un photographe de renommée mondiale pour photographier Bowie et concevoir la pochette était le meilleur moyen de faire passer un message fort. Brian avait la capacité de rendre une image banale intéressante, puis une image intéressante fascinante."

    Mais comment cet éclair est arrivé sur le visage de Bowie ? Pour ce drôle de maquillage, Duffy s’est tout simplement inspiré du cuiseur à riz qui se trouvait dans le studio Trident au moment du shooting. A la base, les traits devaient être beaucoup plus petits. Lorsque le photographe a vu Pierre Laroche commencer à maquiller le chanteur, il lui a ordonné de les grossir afin qu’ils traversent toute sa figure. Après plus d’une heure de travail, Laroche finit de farder David Bowie. Résultat : l’éclair traverse l’intégralité du front et de la joue gauche du chanteur, le tout entièrement fait au rouge à lèvres. Chaque détail sur le visage du musicien est plus qu’essentiel pour Brian Duffy, qui lui a même demandé de se raser les sourcils pour l’occasion et de se vêtir uniquement d’un slip blanc.

    Lors du shooting de la cover de “Aladdin Sane”, Bowie est entouré des meilleurs dans leurs domaines avec Laroche et Duffy. Mais ce n’est pas tout puisque l’homme chargé de la post-production de la photo n’est autre que Philip Castle, déjà derrière l’affiche d'Orange Mécanique. L’artiste anglais s’est occupé d’arranger la coiffure de Bowie et surtout d’ajouter la larme sur la gauche de son torse (là aussi une idée de Brian Duffy).

    En 1973, le chanteur anglais commence à devenir une star internationale et il a du mal à gérer sa célébrité. “Je voulais faire des concerts pour chanter mes morceaux, mais d'un autre côté, je ne voulais pas vraiment me retrouver dans ce tour bus avec tous ces gens bizarres. Aladdin Sane se situe entre les deux.” Plus qu’un personnage, il représente en réalité l’état d’esprit de David Bowie à l’époque. D’un côté un gros éclair synonyme de succès et de notoriété, et de l’autre une larme en train de couler sur son torse, représentant l’envers du décor et la tristesse de Bowie.

    Pierre Laroche est surtout connu pour avoir fait le maquillage des personnages du film The Rocky Horror Picture Show, mais il a également bossé avec Madonna, les Stones ou Michael Jackson. Après cette séance photo légendaire, il suivra Bowie sur toute la fin du Ziggy Stardust Tour en 1973 en tant que maquilleur personnel. Quant à Brian Duffy, il fera également les pochettes de “Lodger” et “Scary Monsters (and Super Creeps)” pour le chanteur. Par la suite, ils deviendront très proches ; le fils du photographe expliquant que David Bowie venait même régulièrement dîner chez eux.

    Selon son créateur, le personnage d’Aladdin Sane n’est autre que la version américaine de Ziggy Stardust. En effet, tous les morceaux de cet album ont été écrits lors de sa tournée américaine de 1972. “Aladdin Sane” s'est écoulé à plus de 4,5 millions d’albums, faisant de ce disque un des plus gros succès de la carrière de Bowie. Et sa pochette n’y est pas pour rien.