On a retrouvé Kevin de la Fnac Parinor, «le critique musical préféré des internautes »

  • Mais qui est vraiment le mystérieux Kevin de la Fnac Parinor ? Ne disposant d’aucune info sur celui que la presse surnomme «le critique musical préféré des internautes », nous avons décidé de partir à sa rencontre.

    Rappel des faits. Il y a tout juste un an, le monde prenait connaissance des « hacking » opérés par un vendeur de la Fnac sur les mini-textes descriptifs des albums en tête de gondole. Activement relayées par l’ensemble des sites culturels (Huffington Post, Le Monde, Konbini, Brain, Novaplanet, etc, etc…) ses vannes absurdes ont depuis fait le tour d’Internet.

    Suite à la sortie du deuxième album de PNL le 16 septembre dernier, l’humour de Kevin s’est soudain rappelé à notre mémoire grâce à son coup de cœur acerbe générant un énième buzz, cette fois sponsorisé par Jardiland…

    Mais qui se cache derrière ce « Banksy de la grande distribution » comme l’appelle le Nouvel Obs ? Kevin cultive le secret. À son sujet, quasiment rien. Pas d’interview (il les a jusque-là toutes refusées), aucune photo (idem), juste quelques verbatim pris ça et là sur sa page Facebook. De quoi nous donner envie d’y aller, à cette Fnac Parinor. Mais au fait, elle se situe où ? À Aulnay-sous-Bois. C’est parti.

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    Au bout de deux heures, me voilà enfin au centre commercial Parinor. On y est presque.

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    C’est bien là. On ne s’est pas trompé, on chauffe. Où est-il ? Là-bas, derrière un comptoir, un vendeur. Il me regarde, c’est lui.

    « – Bonjour, tu pourrais me dire où je pourrais trouver Kevin ?
    – Bonjour, c’est moi-même.
    (BINGO !) Enchanté, je suis journaliste, ce serait possible de te poser quelques questions ?
    – Non. »

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    Niet. Nada. Kevin est sacrément cool, mais nous fait gentiment comprendre que ça ne va pas être possible. Il me dit que les journalistes, il n’en a rien à faire, qu’il veut rester dans l’ombre, qu’il n’a jamais donné d’interview. Et qu’il n’en donnera jamais. On insiste. Un peu. Il me dit juste qu’il a trente-huit ans. Ça ne sert à rien. Game over.

    Deux jours plus tard, surprise.

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    Le soir dit, direction Pigalle. « Tu sais que tu es le premier journaliste à qui j’accepte une interview ? » La première interview de Kevin peut commencer.

    Critiquer PNL par les temps qui courent, n’as-tu pas craint pour ta vie ?

    J’ai eu quelques haters, quelques messages d’insultes, mais j’ai vite désamorcé le truc en disant que ce n’était que de la vanne. PNL, j’aime pas pour plein de raisons. Bon, ok, la prod’ est pas mal, mais moi, j’ai toujours apporté une extrême importance aux textes et franchement, ils sont à la rue à ce niveau-là. Ça, c’est mon côté « rap conscient » qui parle, c’est comme ça. Même quand j’ai commencé à écouter du rap, j’aimais les groupes qui avaient du fond comme Assassin, etc. Je ne suis absolument pas fan du Palmashow, mais la parodie qu’ils ont fait d’eux résume tout à fait ce que j’en pense. Et tout le bruit que fait la presse autour d’eux.

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    Évidemment, tu n’en es pas à ton premier essai. D’où t’es venue cette idée de faire des coups de cœur aussi débilement drôles ? Tu t’ennuyais au boulot ?

    Je bosse à la Fnac depuis 2002-2003 et on a toujours fait des coups de cœur un peu dégueulasses. Ça nous faisait marrer, ça restait entre nous : à l’époque, il n’y avait pas encore les réseaux sociaux…

    C’est un peu une tradition, à la Fnac ?

    Disons que je n’ai rien inventé. Alors oui, il y a toujours eu des vendeurs pour écrire des trucs hyper drôles, hyper violents aussi : les rockers, quand ils démontaient un groupe, ça ne rigolait pas vraiment… Moi, je suis vraiment parti dans la vanne, je ne voulais pas trasher – bon, pour certains si, comme Jul par exemple. Bref, j’ai commencé à en faire un et ça a fait marrer mes trente potes sur Facebook et ça nous a fait marrer pendant six mois. J’en faisais un toutes les semaines, ils étaient tous en magasin, mais personne n’y faisait attention, pas plus mes patrons que les clients.

    Je me suis dit : « Wow, ça va être très compliqué demain au boulot. »

    À partir de quel moment la machine médiatique s’emballe-t-elle ?

    Un soir, on fait une soirée dans un bar où l’on va régulièrement, dans le 19ème arrondissement. Là, je rencontre une actrice, je ne sais plus comment ça vient dans la conversation mais elle voit un de mes coups de cœur, on avait bu, elle fait : « Han, je partage. » Je me réveille le dimanche matin, et pan ! Qu’est-ce qui se passe ? Christophe Conte des Inrocks est tombé dessus dans la nuit et l’a partagé. Mon téléphone n’arrêtait pas de vibrer, j’avais des dizaines et des dizaines de demandes d’amis sur Facebook. Le dimanche matin, ça commence à partir en vrille, la blague est partagée dans tous les sens, plein de sites relaient l’info. Je me suis dit : « Wow, ça va être très compliqué demain au boulot. »

    Et ?

    Et le lundi, je commençais à neuf heures. Je me suis dit : « Bon, mes boss n’ont pas vu mes conneries pendant six mois, ils ont internet, ils vont forcément me tomber dessus. » J’arrive finalement au travail sans trop savoir à quelle sauce je vais être mangé, mais mes boss ne sont pas là. Je me dis alors que foutu pour foutu, j’allais en faire un dernier. Je décide donc d’écrire un truc sur Francis Cabrel.

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    Enfin, c’est le dernier de cette série, hein. Juste après ça, mon boss finit par venir me voir et me dit : «  Oui, Kevin, j’aimerais te parler d’un truc, là, tes coups de cœur, j’ai vu ça sur internet, tu t’en rends compte ? Va falloir stopper ! » En fait, d’après ce que j’ai compris, au siège, ils étaient nombreux à rigoler, mais ils ne savaient pas comment gérer ça. Mon directeur avait vraiment peur qu’il y ait des fans de Booba qui viennent s’en prendre à moi. Je lui ai répondu qu’il ne fallait pas prendre les rappeurs pour plus bêtes qu’ils ne sont. Et leurs fans non plus d’ailleurs. La chambrette, c’est un sport national. Ce qui a rendu mes coups de cœur marrants, c’est qu’ils sont liés à un cadre – la Fnac – et qu’ils font office de piratage, de détournement. Moi, je ne suis personne, je n’ai aucune envie de devenir célèbre.

    Justement, toi qui es personne, qui es-tu, où as-tu grandi ?

    Jusqu’à mes vingt ans, j’ai grandi dans une baraque de hippies avec mes parents dans le 93. Y’avait beaucoup de gens de Libé et d’Actuel dont Rémy Kolpa Kopoul [personnalité historique de Radio Nova, NDLR]. Avec le temps, les gens ont fini par partir mais Rémy est resté vivre avec nous.

    Ah ?! Rémy Kolpa Kopoul ?! Il a fait ton éducation musicale ?

    Je n’ai pas trop de souvenirs, mais je me rappelle qu’on l’appelait Tonton Musique. Comme à l’époque il bossait à Actuel on recevait des vinyles tous les jours. Lui, il ne jurait que par la world music et les sons d’Amérique latine. Tous les trucs rock, pop, il les filait à mon père, du coup, mon père possède une sacrée collection… Donc oui, j’ai vraiment grandi dans un milieu musical.

    J’ai toujours rêvé de bosser à la Fnac.

    Du coup, n’est-ce pas contradictoire de travailler dans une Fnac au fin fond d’Aulnay-sous-Bois ?

    C’est marrant, j’ai toujours rêvé de bosser à la Fnac, quand j’étais petit, c’était un truc qui me faisait rêver. Tu sais, moi la banlieue, ça ne me dérange pas. Et puis je me considère comme l’un des meilleurs vendeurs de rap de seconde zone. Je suis un champion du monde pour vendre du Booba et du Jul.

    Actuellement, qu’est-ce qui plait dans le rap ?

    Vald, je trouve ça vraiment pas mal. C’est intelligent. Sinon Kacem Wapalek, Hippocampe fou, Lucio Bukowski, Anton Serra, Odezenne, Virus, Yoshi parmi tant d’autres. Il y a une vraie scène, sans mass media derrière. Ah, il faut aussi que je te parle de Dooz Kawa.

    Dooz Kawa ?

    Oui, je suis son « agent ». Là, il vient de faire une conférence à L’École Nationale Supérieure. Ils ne sont pas nombreux à l’avoir fait : Lino, Casey, Virus, Fuzati… Que du lourd, quoi.

    Comment es-tu devenu son « agent » ?

    Après mes coups de cœur, je me suis dit que j’étais grillé, que je ne faisais que des trucs que je n’aimais pas. Pour retourner le truc, je me suis dit que j’allais faire quelque chose de positif, mais toujours dans la vanne. J’en ai fait un pour Dooz Kawa et comme nous sommes amis sur Facebook, je lui ai envoyé.

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    Il m’a répondu : « Wow, il est mortel ce vendeur Fnac. » Je lui ai dit que c’était moi, on a alors commencé à discuter, il s’est servi de mon coup de cœur pour sa promo, ça a fonctionné au niveau des clics, etc… Si je peux mettre ça au service d’artistes que j’aime, là, ça m’intéresse. Bref, lui et moi, on a pas mal de points communs, notamment le fait d’avoir le même blaze [il nous montre son tatouage avec écrit Dooz Kawa, son ancien tag, NDLR] et d’avoir appelé nos fils Milo, ce qui n’est pas courant. Ça fait donc deux grosses coïncidences. Du coup, il y a eu rapprochement. Et depuis, on bosse ensemble, j’y crois et j’adore ce qu’il fait.

    T’as déjà pensé à écrire des chroniques d’album ?

    Je l’ai fait à un moment, j’avais un tumblr qui s’appelait Magiciendoozreport. Tant que ça m’a fait marrer, je l’ai alimenté. Sauf, qu’à un moment, je n’ai plus eu envie, alors j’ai plus rien écrit. C’est tout.

    T’aimerais pas écrire de temps à temps des chroniques pour Jack ?

    Ah, y’a peut-être moyen… Faudrait juste que je garde le fun.

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