2018 M09 24
« Une décision douloureuse. » Le 21 septembre sur Twitter, Médine agite son drapeau blanc. Son concert rêvé, le 20 octobre au Bataclan, n’aura pas lieu. Il sera reporté au 9 février, au Zénith de Paris. Cette annulation, écrit-il, est due aux menaces de « certains groupes d’extrême droite » qui ont « prévu d’organiser des manifestations dont le but est de diviser, n'hésitant pas à manipuler et à raviver la douleur des familles des victimes ».
Musique et politique. Sans doute l’un des mélanges les plus indigestes qui soient. Surtout ici, où la situation est on ne peut plus délicate dans le contexte actuel : un rappeur ouvertement musulman qui souhaite se produire au Bataclan, où 90 personnes ont perdu la vie le 13 novembre 2015 après des attaques revendiquées par Daech. Pourtant, Médine, lui, n’a pas hésité à chanter son affection pour la salle de concert, à laquelle il a dédié un morceau.
« Tout ce que je voulais faire, c’est le Bataclan », regrette Médine. « Tout ce qui peut amener un trouble à l'ordre public peut, dans les limites de la loi, pouvoir trouver une interdiction », évoquait quant à lui Gérard Colomb, le ministre de l’intérieur en juin 2018. Les potentiels « troubles » auraient pu toucher plusieurs cibles. D'abord les familles des victimes, dont certaines s’opposaient à la tenue du concert d’un artiste comptant notamment le morceau Jihad dans sa discographie. Mais aussi Médine lui-même, physiquement, puisque le groupe terroriste d’extrême droite AFO envisageait d’organiser son assassinat, comme l'ont rapporté les Inrocks en juillet.
Rumeur à laquelle le rappeur avait réagi avec humour. Seulement, aujourd’hui, il ne rit plus. Certains voient dans cette annulation un soulagement, préférant la censure au risque, dans un contexte où la sécurité prime. D’autres y voient, y compris Médine, un signe douloureux que les cicatrices de la France sont loin d’être pansées et que les amalgames sont encore d'acutalité. Pourtant, ici, le seul parallèle douteux à être effectué lie peur et sagesse.