2022 M10 25
2Pac - The Rose That Grew From Concrete
L'histoire est connue : à chaque fois qu'il se détournait du droit de chemin, 2Pac devait, en guise de punition, lire l'intégral du New York Times. De là à y voir là les prémices de son goût pour les mots et la poésie ? Le raccourci est facile. Parmi les actes fondateurs, il y a aussi eu son passage dans une école d'art à Baltimore, où il découvre Shakespeare, Les misérables et écrit des poèmes pour Jada Pinkett Smith. Il serait injuste également d'occulter son génie rhétorique, la profondeur de ses rimes, la finesse de sa plume.
Ce sont tous ces éléments qui permettent de considérer l’auteur d’ « All Eyez On Me » comme un poète, voire même « une rose qui a poussé dans le béton », histoire de reprendre le titre de ce recueil, pensé comme un écho à tous ceux qui, dans les ghettos américains, manient les mots pour s’extraire du désespoir auquel la société les condamne.
Pocket Book US, 176 pages.
Kery James - Le poète noir
Au début des années 2000, Kery James disait écrire ses textes en pensant aux cours de français, envisageant chacun de ses couplets comme une déclinaison du fameux thèse-antithèse-synthèse. Si cette approche quelque peu scolaire a fini par lasser (ou du moins, s'est révélée moins impactante), cela n'enlève rien à la puissance de certains de ses textes, socialement concernés, en prise avec les problématiques de leur temps.
Le fait que l'intégralité de ses paroles soit aujourd'hui rassemblée dans un ouvrage dépourvu de leur accompagnement musical ne fait que renforcer cette sensation : depuis 1991, date de sa première apparition discographique sur « Qui sème le vent récolte le tempo » de MC Solaar, Kery James n'a jamais cessé de raconter une autre réalité, une sorte de conte désenchanté aux réminiscences poétiques.
Actes Sud, 96 pages.
Ludovic Villard - Il faut toujours se préparer à perdre
Le fait que Ludovic Villard (aka Lucio Bukowski) ait choisi de publier ce recueil sous son vrai nom ne doit pas faire oublier l'influence du vieux dégueulasse de la littérature américaine sur cette écriture troublée, rongée par le spleen et les nuits passées à contempler un monde en bout de course. « Ni le temps ni personne n'a tenu promesse / nous avions l'âge ne de pas douter / Puis le wagon s'éloigna, nous saluant d'un jet de fumée noire / Depuis nos pieds n'ont pas bougé ». Il y a de la nostalgie chez le Lyonnais, une évidente ironie dans cette narration poétique des bas-fonds, comme si ses poèmes condensaient en quelques phrases un monde de solitude, d’amertume et de relations ternies par le doute ou les déambulations éthyliques.
Castor Astral, 148 pages.
Collectif - Au nom du rap
Isha l'a dit : « Le rap nous a sauvé la vie, il mérite d'être aux Beaux-Arts ». À l'évidence, il mérite également d’être célébré dans toute sa diversité, autant pour ses propositions mélodiques et la technicité des flows que pour son amour des mots, leur puissance, leur ironie, leur dramaturgie. À l'initiative d'Elena Copsidas, plusieurs grands noms du rap (Akhenaton, Rémy, Lino, Chilla, Georgio, Captain Roshi, Scylla...) ont ainsi écrit un poème inédit, systématiquement illustré par un jeune graphiste, en lien avec l'un des quatre thèmes imposés : bleu, brut, mur et muse. Une façon, somme toute maligne, d'interroger autrement leur rapport à l'art, à la rime, à la nature et au monde extérieur.
Buondi Studio, 50 pages.
Vîrus - Les Soliloques du pauvre
S’il n’est pas interdit d’écouter ses morceaux en ayant à la fois un sourire ironique et la larme à l’œil, Vîrus sait surtout mettre des mots sur le désarroi d'une population victime du consumérisme et d'un cynisme dévorant. Avec Les soliloques du pauvre, il trouve une fascinante façon de prolonger son travail à travers les textes de Jehan-Rictus, un de ces poètes capables de narrer la misère dans la langue des faubourgs. Mieux encore : Vîrus ne fait pas ici que s'approprier ces vers vibrants de rage, il pousse le vice jusqu'à les interpréter en retravaillant le rythme des phrases pour les adapter à son flow, puissant, amer et transpirant le réel.
Au diable vauvert, 80 pages.