Le jour où le Vatican a voulu boycotter le “Je t’aime… moi non plus” de Gainsbourg

Aujourd’hui, ce morceau est un classique de la chanson française. Mais à sa sortie dans les bacs en 1969, c’était une tout autre histoire. L’aspect explicitement sexuel du morceau en a choqué plus d'un, y compris les membres du Vatican qui ont tenté de faire interdire le titre.
  • Au cours de sa longue carrière, Serge Gainsbourg s’est fait de nombreux ennemis. Souvent provocant, parfois malsain, le chanteur a décidé de pousser l’affront au maximum en sortant son Je t'aime… moi non plus. En duo avec sa femme de l’époque, Jane Birkin, le morceau est enregistré à Londres avec un orchestre à la fin de l’année 1968, avant de sortir trois mois plus tard et d’engendrer un scandale monstrueux.

    Cette chanson est loin de ressembler à quoi que ce soit d’autre, surtout à l’époque. Je t'aime… moi non plus respire la sensualité et l’érotisme, si bien que certains le comparent à du sexe auditif. Dès sa sortie dans les bacs, la chanson cartonne mais elle dérange fortement, et cela même au-delà de l’hexagone. En France, le morceau reste tel quel, mais dans d’autres pays européens, il se fait brusquement censuré.

    Le principal problème de Je t'aime… moi non plus ? Les gémissements de Jane Birkin. Le 22 août 1969, l'Osservatore romano (journal officiel du Vatican) publie un article virulent concernant la chanson de Gainsbourg et Birkin :

    Quand on fait du lyrisme sur de tels sujets, on fait de l'obscénité. Elle [la chanson] confirme le niveau de stupidité où nous a conduits le type actuel de culture de masse. Il ne vaudrait pas la peine de s'arrêter sur un tel épisode si celui-ci, malheureusement, n'était pas un indice de la contradiction insoluble de ce climat social dans lequel on proteste contre le cinéma pornographique, contre la presse obscène, les violences et les délits sexuels, mais où à peine ose-t-on faire allusion à une prophylaxie morale et à une surveillance responsable que des organes de presse se mettent à lancer l'alarme.

    Mais qu'est-ce que le pape Paul VI et les représentants du Vatican ont voulu dire par là ? C'est assez incompréhensible, mais on devine qu'ils sont vraiment remontés. Dès la publication de cet article, les radios italiennes cessent de jouer Je t'aime… moi non plus. Mais ce n’est pas tout, puisque l’Espagne et la Suède ont suivi. Il s’agit du premier morceau français à atteindre la première place des charts anglais, alors que la BBC avait également décidé de ne pas le retransmettre. Finalement, la chaîne de télévision britannique diffusera une version instrumentale. Morale de l'histoire : vouloir interdire une chanson, c'est d'une manière en faire sa publicité.

    Lorsque l’on demande à Jane Birkin comment ce morceau s’est fait deux ans après sa sortie, l’Anglaise semble honnête : “J'ai trouvé la mélodie très jolie. Alors j'ai chanté. Je comprends les gens qui étaient choqués par ça. C'est assez étonnant, mais je pense que c'était assez pur aussi.” Pourtant, en 1974, elle sortira une autre version bien différente de la première : “Serge m’a dit : tu ne voudrais pas chanter un prélude de Chopin ? J'ai dit, oui je veux bien et il a dit  faisons "Je t'aime moi non plus" [la chanson est réalisée d'après un prélude de Chopin, Ndlr]. J'ai dit oui, oui, vite, avant qu'une autre actrice plus jolie que moi le fasse avec lui. J'ai fait ça par jalousie.” Une explication bien plus rationnelle et compréhensible de son implication sur le titre.

    Il faut savoir que cette fameuse chanson devait être un duo avec Brigitte Bardot. En réalité, cette dernière a bel et bien enregistré pour Gainsbourg deux ans avant la sortie officielle du featuring avec Birkin. Je t'aime… moi non plus avait même été diffusé à la radio, mais le mari de Bardot, Gunter Sachs, a refusé qu’il sorte officiellement. Gainsbarre aurait pu alors prévoir que la deuxième version de son morceau ferait scandale, mais on se doute bien que c’était le cadet de ses soucis... ou bien que c’était totalement volontaire.