Le jour où David Bowie a monté un horrible groupe de hard rock

Pendant la grande carrière de David Bowie, le chanteur a connu beaucoup de hauts et quelques bas. Et notamment sa phase metallique à la fin des années 1980 qui l’emmena dans une dimension parallèle. Hélas, il s’agit certainement du pire objet de sa discographie.
  • Lorsque Bowie décroche enfin une place de numéro 1 avec l’album “Aladdin Sane”, il commence déjà à mal gérer son succès grandissant. C’est pour cette raison que 15 ans plus tard, il entreprend un nouveau challenge dans sa vie de musicien : Tin Machine. Il monte ce groupe de rock avec Reeves Gabrels (qui joue maintenant avec The Cure), Hunt Sales (qui a joué avec Todd Rundgren) et Tony Fox Sales (lui aussi avec Todd ou encore Iggy Pop) avec la volonté de se retrouver au même niveau que les autres membres, sans être la star du groupe. L’intention est honorable, mais le résultat beaucoup moins.

    Mais d’où sortent les trois loustics avec qui Bowie monte Tin Machine ? Au moment de la formation du groupe, ils ont tous déjà fait une tournée avec le Thin White Duke. Dans une interview donnée en août 1989, Tony Hunt raconte le jour où il fut approché pour former Tin Machine : “Bowie voulait reformer un groupe. Il ne savait pas réellement ce qui allait en sortir, mais il voulait que Hunt et moi rencontrions Reeves et peut-être écrire et sortir quelque chose ensemble.” C’est aussitôt chose faite et le 22 mai 1989, ils sortent leur premier album “Tin Machine”. 

    D’un côté, les ventes du disque n’ont rien à voir avec les précédents albums de David Bowie, mais le groupe semble satisfait de sa petite notoriété. De l’autre côté, les critiques fusent et personne n’a l’air de comprendre ce que fait l'interprète de Let’s Dance. Dans une critique du Herald Scotland, on peut lire : “Bowie a promis que son groupe reviendrait pour un nouvel album l'année prochaine. Cela ne soulève qu'une seule question : pourquoi ?” En effet, pourquoi s'infliger des solos de guitares prévisibles, de la country bizarre, du hard-rock poncif et vieillot qui ne réinvente pas la roue et une cover du Working Class Hero de John Lennon à ranger dans la liste des pires reprises au monde ? 

    Les ventes ne suivent pas. EMI, la maison de disque de Tin Machine, les met à la porte. Pourtant, les quatre musiciens décident d’enregistrer un deuxième album qui sortira en 1991. Et là, c’est le drame : les critiques sont encore plus méprisantes que sur le premier opus. Malgré une petite tournée qui suivra “Tin Machine II”, le groupe se sépare inévitablement dans la foulée à cause des conflits internes.

    32 ans après la sortie de leur premier album, le public a su prendre du recul sur la musique du groupe et beaucoup tentent de la réhabiliter. Certains vont même jusqu’à les qualifier d’avant-gardiste, mais alors qu’est-ce qui a déclenché un tollé à l’époque ? Tout simplement l’aura de David Bowie. Déjà superstar interplanétaire, le chanteur avait une ligne directrice et un style unique que lui seul pouvait faire. Alors quand il se met au rock tel qu'on le connaît, son audience ne suit pas et préfère lui tomber dessus. En même temps, Bowie n'est pas venu sur Terre pour faire comme tout le monde. 

    Au cours d’une interview avec Uncut en 2013, le chanteur anglais balancera sans amertume “Je repense aux années Tin Machine avec beaucoup d'affection. Elles m'ont rechargé. Reeves m'a sorti de ma léthargie et m'a dit : 'Sois à nouveau aventureux.’ Depuis, j'ai trouvé ma voix et une certaine autorité.” En fin de compte, l’expérience hard rock de Bowie lui a surtout permis de faire autre chose qu’à son habitude pour se renouveler mentalement. Il reviendra en solo avec l’album “Black Tie White Noise” en 1993 qui se classera directement en tête des charts anglais. Le prince anglais était enfin de retour parmi nous.