Le disque du jour : « Tranquility Base Hotel & Casino » d’Arctic Monkeys

Tout en groove et en mélodies contagieuses, « Tranquility Base Hotel & Casino » poursuit l'idéal d'une musique à la fois indémodable et élégante. Et permet à Arctic Monkeys de planer majestueusement au-dessus de la mêlée.
  • Symphonies pour piano. Les quelques indices lâchés ça et là ces dernières semaines (le fait qu’il ait été composé initialement au piano, qu’il était censé être un album solo d’Alex Turner et qu’il a été influencé aussi bien par Marvin Gaye et Ennio Morricone que par François De Roubaix ou Nino Ferrer) ne laissaient aucun doute : oui, chez Arctic Monkeys, les compositions sont devenues plus ambitieuses et moins pogo-compatibles qu’au milieu des années 2000. « Tranquility Base Hotel & Casino » n'en est pas pour autant un album de rock pour bar à cocktails ou soirée casino où les plus fortunés viendraient pour s’oublier.

    Love songs. Incapables de se sédentariser, passant d’une mélodie qui s’affiche dans le plus simple appareil à des ballades taillées dans des étoffes orchestrales (She Looks Like Fun), les onze morceaux réunis ici osent l’humour par instant (« Je voulais seulement être un membre de The Strokes et regarde le gâchis que tu m’as fait faire », chante Turner sur l’intro Star Treatment). Mais s’entendent avant tout comme des odes à l’amour (le vrai, celui qui échappe à la raison), à ces relations charnelles qui donnent envie de mordre librement la vie et, pour employer un slogan soixante-huitard, de « vivre sans temps mort et de jouir sans entraves ».

    Crooner. Après « AM », qui brillait déjà par son envergure sonore, « Tranquility Base Hotel & Casino » élargit encore les perspectives expressives du songwriting d’un Alex Turner jamais pompeux, ni proche du pastiche. Notamment grâce à une mise en son orchestrée par Matt Helders, Nick O'Malley et Jamie Cook qui, bien que répétitive par instant (le dispensable Batphone), transforme cette musique intimiste et ces observations désabusées sur le monde contemporain en langage universel.

    Écouter Four Out Of Five, Golden Trunks ou Science Fiction, c’est ainsi penser à David Bowie, Scott Walker et Richard Hawley, avec tout ce que cela contient d’élégance désuète, de claviers vintage, de pensées troublées et de légères teintes cinématographiques.

    Rétro. On sait déjà que certains pleureront l’absence de singles évidents, taillés pour les stades (comme pouvait l’être Do I Wanna Know ?), mais l’intérêt est ailleurs : il est dans ces arrangements soignés et dans la vision purement fantasmée d’un monde qui n’existe plus, probablement celui des années 1970 (l’âge d'or de la soul, de la pop orchestrale, du glam, toussa toussa). Au point de faire de « Tranquility Base Hotel & Casino » un disque aussi clivant que fascinant ? Peut-être, mais comme l’ont toujours été les disques les plus signifiants de leur époque.