La ville de Québec racontée par Hubert Lenoir

C'est peut-être le Canadien de l'année. Avec son look androgyne, son premier album qui doit autant à Bowie qu’à Christophe et son attitude provocante, Hubert Lenoir est évidemment un gars à part. Au sein de l’industrie musicale, du paysage pop et, surtout, du Québec, sa ville d’origine. Qu’il nous raconte en détails ci-dessous.

À domicile. « Québec a beau être la capitale nationale du Québec, c’est une ville moyennement grosse et assez tranquille. Personnellement, je n’ai pas d’attachement particulier envers elle, mais je m’y sens bien. J’ai l’impression d’être à la maison quand je suis ici, un sentiment que je n‘ai pas encore ressenti ailleurs pour le moment. Même pas à Montréal, où j’ai également un appartement depuis peu, essentiellement dans l'idée d'avoir un pied-à-terre pour les journées promo ou autres.

Mon album, d’ailleurs, a été essentiellement enregistré à Québec. C’était au Pantoum, une sorte de coopérative avec une maison de disques, une salle de spectacle et un studio. C’est le lieu des musiques alternatives à Québec. Tous les musiciens des environs viennent ici. »

Tromper l'ennui. « J'ai grandi à Courville, un quartier en banlieue de Québec, très proche des Chutes-Montmorency. Une banlieue dans ce qu'il y a de plus normal à l'échelle américaine : de très grandes rues très larges et aucun commerce de proximité, simplement des maisons de deux étages, toutes identiques et toutes habitées par des familles issues de la classe moyenne. On n'est qu'à dix minutes en voiture du centre-ville de Québec, mais bon, il n'est pas non plus incroyable.

Pour m'occuper, étant gamin, je faisais donc beaucoup de sport, du ski essentiellement, j’allais au skate-park en attendant que le temps passe et je squattais de nombreuses heures devant la télé ou l'ordinateur. Dans un endroit aussi conservateur, essentiellement blanc même s’il y a une petite communauté africaine, mon look dénotait un peu, donc j’avais tendance à longer les murs pendant mon adolescence. »

Le goût de la provoc'. « À Québec, la politique penche plutôt à droite. Les gens estiment avoir des problèmes avec les communautés, notamment musulmanes. Ça arrive même que certains d’entre eux se fassent emmerder par des mecs d’extrême droite... Ça a l’air d’être le cas dans d’autres villes actuellement, malheureusement, mais ça ne fait que renforcer mon désir de provocation. Il y a tellement de traditions ici, tellement de gens accrochés à de pseudos valeurs que je n’avais qu’une envie en grandissant : affirmer mes propres codes et dire « je vous emmerde ». »

Woo-sound. « J’imagine que quand tu grandis à Montréal, tu es en contact avec différentes communautés, ethniques ou culturelles. Moi, je n’ai jamais été exposé à ça., mais ça m’a sans doute forgé un imaginaire suffisamment singulier pour ne pas chercher à ressembler avec les grandes figures locales, comme Wolf Parade ou Arcade Fire.

À Montréal, pendant un temps, tous les nouveaux groupes avaient l’impression de devoir faire pareil et s’inscrivaient donc dans une même esthétique. Nous, à Québec, on s’est en quelque sorte opposé à ça. Avec deux, trois autres artistes, comme Anatole ou Lou-Adriane Cassidy, on a même développé un son : le woo-sound. Ça nous a permis de nous démarquer du reste des groupes québécois. Ça m'a servi de leitmotiv au moment d'enregistrer « Darlène ». »