La véritable histoire de « A Garota de Ipanema », l'immense tube de João Gilberto

S'il était loin d'être l'homme d'un seul tube, João Gilberto, décédé ce week-end à 88 ans, en a au moins interprété un qui reste indépassable : « A Garota de Ipanema ».

Saudade. « Il fut le premier chanteur, du moins au Brésil, à montrer qu’on n’avait pas besoin d’une voix puissante, il chuchotait, en s’accompagnant avec virtuosité à la guitare. » Les mots de Bernardo Araujo, critique musical du journal O Globo, sont non seulement élogieux, mais ils sont surtout très vrais. Tout, dans la discographie de João Gilberto, transpirait la poésie suave de la bossa nova, sa douceur, sa mélancolie. À l'image de A Garota de Ipanema, son titre le plus célèbre, dont il n'est pourtant pas l'auteur, ni le compositeur originel.

So sad. Pour comprendre l’importance de A Garota de Ipanema (« La fille d'Ipanema », en VF, « The Girl from Ipanema », pour les anglophiles), il faut remonter en 1962, à une époque où deux artistes brésiliens (Antônio Carlos Jobim à la composition et Vinícius de Moraes à l'écriture) cherchent un nouveau morceau pour une comédie musicale - Dirigível (Blimp) -, et finissent par s'inspirer de l'histoire d'une jeune fille de 17 ans originaire d'Ipanema, un des quartiers les plus chics de Rio de Janeiro.

Une histoire simple, efficace (celle d'une fille qui se rend tous les jours à la mer et entre parfois dans un bar pour acheter des cigarettes à sa mère), et suffisamment universelle pour devenir un tube. Ce que la chanson finira par devenir un an plus tard lorsque João Gilberto s'en accapare aux côtés du saxophoniste Stan Getz (sur l'album « Getz/Gilberto »).

Un tube, des reprises et des frites. Un peu comme Hallelujah, qui trouvait dans la voix de Jeff Buckley un écho populaire, la version de João Gilberto devient rapidement un standard de la bossa nova, un hit indépassable, qui pousse Frank Sinatra à l'intégrer dans son répertoire à la fin des années 1960 et incite plus de 300 artistes à le reprendre officiellement.

Mais là où ça devient vraiment intéressant (on a failli dire « marrant », mais ça paraissait cruel), c'est qu'Astrud Gilberto, la première femme de et surtout la voix de ce The Girl From Ipanema, à la base engagée parce qu'elle était la seule à pouvoir adapter correctement ce morceau en anglais, va finir par quitter ce bon vieux João pour Stan Getz... Un coup bas comme ce chanteur, qui a terminé sa vie ruiné, en connaîtra malheureusement des dizaines tout au long de sa carrière. Comme cette fois où, en 2003, Mc Cain décide d'utiliser sa version pour illustrer une de ses publicitiés. Sans son accord, forcément.