L'histoire cul(te) de la pochette du "Melody Nelson" de Gainsbourg

Sorti en 1971, « Histoire de Melody Nelson » marque une nouvelle étape dans la carrière de Serge Gainsbourg, autant musicalement que visuellement. Retour sur l'histoire de cette pochette haute en couleurs.
  • Derrière chaque grande pochette de disque, il y a très souvent un grand artiste, mais aussi un grand (ou une grande) photographe. Pour réaliser celle de « Histoire de Melody Nelson », Serge Gainsbourg a fait appel à son ami de longue date Tony Frank. Et il lui a suffi d’un seul shooting photo épique réunissant seulement le chanteur ainsi que Jane Birkin (représentant la fameuse Melody Nelson) pour arriver à créer ce qui deviendra la plus belle pochette de la carrière de Gainsbourg. Tout ça sans avoir la moindre information au préalable de ce qu’il devait photographier. 

    Il se réveille donc un matin de janvier 1971 en recevant un appel du chanteur lui demandant de réaliser sa prochaine pochette d’album. Il accepte, et se retrouve quelques temps plus tard seul face à Jane Birkin, qui attend elle aussi l’arrivée de Gainsbourg, rue Legendre à Paris, où Frank avait son studio. « Je n’étais au courant de rien, à part que Jane porterait un jean. Je décide donc de mettre en place un fond bleu clair en attendant son arrivée », raconte le photographe français dans son livre Bleu Melody paru en 2018. 

    Dès que le chanteur met les pieds dans le studio photo, il guide sa petite amie de l’époque vers sa transformation en Melody Nelson, le personnage dont Gainsbourg tombe amoureux dans l’album. Comme prévu, Birkin, alors âgée de 25 ans, porte un jean... mais c'est tout. Frank révèle dans son livre que si le bouton de son pantalon est dégrafé, c’est parce qu’au moment du shooting, elle était enceinte de Charlotte Gainsbourg. Ne voulant pas montrer sa grossesse à l’image, l’actrice anglaise avait alors ramené un singe en peluche qui lui permet de cacher son ventre. Fait assez délirant : il paraîtrait que ce jouet pour enfant, utilisé comme sous-vêtement pour le shooting, est toujours au côté de Gainsbourg…dans son cercueil. 

    Si la coupe de cheveux de Birkin ne semble pas naturelle, c'est normal : il s'agit d'une perruque. C’est Gainsbourg en personne qui l’a sortie tout droit de son attaché-case. Entre ses clopes et une liasse de billets, il sort une moumoute rousse qu’il fait porter à sa compagne. Selon Tony Frank, « Jane a essayé sa nouvelle chevelure, elle s’est regardée dans le miroir et elle est devenue Melody. »

    Autre point intéressant, la couleur utilisée par Tony Frank en fond est devenue iconique, au point que certaines personnes appellent ce bleu le “Melody Blue”. Au-delà d'avoir accouchés d'une pochette classique, Frank, Gainsbourg et Birkin ont créé une nouvelle couleur. 

    « Histoire de Melody Nelson » raconte le coup de foudre amoureux entre Gainsbourg et une gamine de 15 ans (une histoire qui ne passerait plus aujourd'hui). Par chance, Serge n’a pas choisi de mettre une ado sur la pochette de son album, et a préféré opter pour Jane Birkin. Un bon choix, car sans elle, la pochette de cet album ne serait certainement pas ancrée à tout jamais dans l’histoire de la musique.