2018 M09 11
Pour une partie du grand public, la rencontre avec Kiddy Smile s’est faite le 21 juin dernier, lors de la fête de la musique. Invité à l’Elysée, il arbore un T-shirt sur lequel il écrit « fils d'immigrés, noir et PD ». Une polémique suit, mais Pierre Hache de son vrai nom poursuit son chemin, seul. Sans véritable label, il sort aujourd'hui son premier album et parle avec Jack de sa notoriété, des médias, mais surtout de sa musique.
Plateaux de télévision, émissions de radio, un portrait dans le célèbre journal The New York Times… Comment vis-tu cette médiatisation un peu soudaine ?
Normalement, je suis plutôt dans l'équipe de ceux qui perdent donc je suis très content. J'ai l'opportunité de pouvoir parler de ma musique et de mettre en avant ma communauté tout en étant indépendant. Il faudrait être un peu stupide pour ne pas avoir de recul. Il y a beaucoup de médias qui s'intéressent à moi et qui parlent de mes projets mais tant que je peux continuer à faire ma musique et monter sur scène, ça me va très bien pour l'instant.
Tu savais que la notoriété allait bien finir par arriver ?
Je n'ai pas envie d'être un phénomène de société. Je suis un artiste et j'ai envie d'être reconnu pour mon art, sauf que parfois, on s'intéresse indirectement à ma musique. Je me suis beaucoup battu pour me faire connaître de la façon dont j'en avais envie, grâce à mes chansons mais aussi grâce à mes convictions et pour ce que j'essaie de représenter. Et le seul moyen de le faire à ma manière, c'était de le faire seul.
« Qui veut chanter des chansons que les gens ne vont pas retenir ? »
Quel regard portes-tu sur le traitement médiatique à ton égard ?
Ça n'a pas toujours été aussi élogieux. Certains magazines à mes débuts disaient qu'il fallait que je mette fin à ma carrière. Je ne me suis pas construit dans la bienveillance, dans l'encouragement et dans le compliment mais plutôt dans les critiques et le rabaissement. J'attends l'article où l'on va dire que Kiddy Smile est une arnaque. Je sais qu'il va arriver, car ce n'est pas possible que tout le monde aime la même chose. Comme je suis à l'intersection de beaucoup d’oppressions, j'ai peur que certains refusent d'écrire des choses négatives sur moi pour ne pas être catalogué d'homophobe ou de raciste.
Tu n'as pas peur que ta musique passe au second plan ?
Complètement. Mais j'ai aussi hyper confiance dans la solidité de ma musique. Je suis persuadé qu’elle réussira à atteindre ceux et celles qui sont touchés par mes chansons. Je fais de la musique pour les gens qui peuvent se reconnaître dans ce que je raconte. En plus, on a pris une direction plus universelle qu'un disque "club" afin d'élargir l'audience.
Sur l'album, on sent les influences hip-hop et house, mais il y a aussi un côté très pop.
Déjà, j'ai décidé de chanter donc forcément, ça va rendre les chansons plus pop. Je vais peut-être avoir l'air prétentieux, mais il y avait une volonté d'essayer de créer quelque chose qui puisse atteindre un top 50 en gardant une intégrité musicale. Le genre de chanson que tu peux aussi bien passer dans un mariage que durant le set d'un grand DJ. Il n’y en a pas beaucoup : Good Life d'Inner City par exemple. C’est ça que j’ai essayé de faire sur l’album. Il y a eu une volonté de faire des choses "catchy" qui restent dans la tête. En même temps, qui veut chanter des chansons que les gens ne vont pas retenir ?
Le fait de rendre tes chansons plus « catchy » a été facile pour toi ?
Par exemple, le single Be Honest à la base, c'était un classique house. Et je n'arrivais pas à débloquer le truc car j'étais trop attaché sentimentalement à cette chanson. En plus, la mélodie que j'avais construite été fausse par rapport à celle du clavier, sauf que ça rendait bien, ça faisait vraiment un bon morceaux de house. Mon manager avait de grandes ambitions pour ce titre alors il m'a poussé à l'améliorer et c'est l'une des chansons les plus abouties de l'album. Mais ça a été une source de grande tension et même de pleurs.
Tu étais danseur avant. Comment ça joue sur la manière dont tu abordes la musique ?
Pour la construction du beat et des éléments rythmiques, je me mets dans la peau d'un danseur. Je fais souvent le beat en premier et c'est essentiellement le rythme qui me parle, plus que la mélodie. Il faut qu'il se passe plein de choses, je trouve les répétitions très ennuyeuses. C'est donc là qu'intervient mon expérience de danseur, qui me permet de modifier le beat parce que je sais que je pourrai faire tel mouvement de danse. Et quand je travaille sur le reste de la chanson, je redeviens musicien.
L'album "One Trick Pony" de Kiddy Smile est sorti le 31 août.
Crédit photo : Nico Bustos