Il y a 50 ans, Syd Barrett s'échappait de Pink Floyd et sortait deux albums magiques

« The Madcap Laughs » et « Barrett », sortis respectivement en janvier et novembre 1970, sont deux albums aussi géniaux que maladroits. Et c’est exactement ce qui fait, encore aujourd'hui, leur charme.

Première tentative. En 1968, Syd quitte les Pink Floyd. Le leader charismatique qu’il était (il a écrit les chansons de « The Piper at the Gates of Dawn » à 20 piges) prenait depuis plusieurs mois beaucoup de drogues (acide, LSD) qui l’empêchaient de tenir le rythme des Floyd (les tournées, les concerts, les interviews, etc.). Comme il devient impossible de jouer avec Barrett, David Gilmour arrive à la rescousse et après cinq tentatives de concerts tous ensemble, Syd n’est pas appelé pour la sixième. Il a 22 ans.

Après un séjour à l’hôpital, Syd retourne à Londres fin 1968 et dégotte un appartement dans le quartier huppé d’Earls Court (le décor de la pochette de « The Madcap Laughs ») situé juste à côté de celui de… David Gilmour. L’endroit deviendra un vrai dépotoir et un repère pour hippies, mais passons.

Son état s’améliore et l’idée d’aller en studio pour enregistrer les chansons qu’il venait d’écrire, comme Terrapin, Opel ou encore Clows And Jugglers (qui deviendra Octopus), mijote jusqu’en avril 1969, moment où Syd entre au studio numéro 3 d’EMI. Des musiciens comme le batteur Jerry Shirley, David Gilmour (toujours lui) ou encore Robert Wyatt de Soft Machine participent à l’album. Syd ne donne aucune indication aux musiciens sur la manière de jouer les morceaux. Ils doivent essayer, se tromper, recommencer et re-recommencer. 

Bancal, mais beau. Globalement, l’ambiance est bonne, et Syd parvient avec l’aide des musiciens à enregistrer ses chansons. Les Pink Floyd décident même de s’impliquer dans la production du disque (Octopus, Golden Hair, Dark Globe, Long Gone). À l’été 1969, Syd demande à Gilmour et Waters de l’aider à finaliser le disque, sachant qu’EMI commençait à en avoir marre de payer pour un projet qui tardait à se concrétiser. 

Finalement, « Madcap Laughs » sort le 3 janvier 1970 avec les derniers morceaux comme Feel, She Took a Long Cold Look, If It’s In You, enregistrés à l’arrache. Le fait d’avoir gardé ces titres, plus froids, plus bancals, mais aussi très authentiques et purs, n’a pas été du goût de tout le monde. Mais ces chansons offrent une vision de l’artiste qui a toujours été un meilleur songwriter que guitariste. Une manière aussi de continuer à faire évoluer son univers presque enfantin (il voulait déjà offrir une cape déchirée et des bonshommes en pain d’épice à une fille dans la chanson Bike avec Pink Floyd) baigné des romans fantastiques de sa jeunesses. 

Si les premières réactions ont été assez favorables, notamment sur les singles Octopus et Golden Hair, l’album n’est pas un succès commercial. Les compositions bricolées et intimes de Syd, qui oscillent entre le génie et l’introspection trop prononcée, ne font pas vendre. Mais l'artiste est fier de ce disque et raconte en interviews qu’il a plein d’autres morceaux dans un petit carnet. Dès la fin février de l’année 1970, il se met à bûcher sur son deuxième (et déjà dernier) album solo, « Barrett », toujours avec ses compagnons de route : Gilmour, Rick Wright et Jerry Shirley. 

En studio, les musiciens font face à un dilemme : obliger Syd à apprendre ses parties et perdre une certaine forme d’authenticité et de spontanéité (il ne jouait jamais le même morceau deux fois). Ou alors laisser l’Anglais suivre son inspiration et rajouter les accompagnements par la suite. Finalement, les deux sont utilisées. Sur Rats par exemple, c’est Syd qui mène la troupe alors que Gigolo Aunt et Baby Lemonade sont plus carrés (le fruit de l’option numéro 1).

My man Syd. « Barrett » est moins fantasque que le premier, et certainement mieux pensé et réfléchi, mais toujours avec quelques fulgurances dont lui seul a le secret. Pour certains fans, sur ces deux uniques albums solos, les arrangements sont poussifs et dénaturent la vraie vision qu’avait Syd. Dans une interview accordée au magazine Rolling Stone en 1971, ce dernier était d’ailleurs frustré de ne pas trouver de bons musiciens pour l’accompagner. 

Est-ce que l’Anglais était arrivé au sommet de son art, au point d’être incompris par tous les autres, ou était-il en train de sombrer dans la schizophrénie ? Quoi qu’il en soit, il revend ses droits au label en 1974 et se retire pour de bon de l’industrie musicale. Il rentre à Cambridge en 1978 et vivra avec sa mère dans une petite maison jusqu’à son décès en 1991. Syd reste alors seul dans la maison et finit par mourir d’un cancer du pancréas en 2006.