2020 M03 23
Comme Bowie, Madonna s’est toujours entourée des meilleurs. Du moins, elle a toujours essayé... Fin des années 1990, alors que sa légende n’est déjà plus à faire, elle s’entiche du producteur et musicien anglais William Orbit et ce « mariage » aboutit à « Ray of Light », l’un des plus beaux albums de la patronne qui s’écoule à plus de 20 millions d’exemplaires, gagne trois Grammy et impose le hit Frozen en rotation radiophonique. Mais tout cela n’est que le début d’un nouvel âge d’or pour celle qui a fêté ses 42 ans en l’an 2000.
Non pas qu’on soit obsédé par l’âge de Madonna, mais le fait est qu'elle, elle l'est, sans aucun doute. Rester jeune à jamais, c’est-à-dire dans le coup, dans la tête des hipsters comme de ses fans, en pleine forme physique, constituent autant de quêtes personnelles qui amèneront plus tard l’idole à se fourvoyer dans des collaborations jeunistes et sans intérêts (Diplo, Martin Solveig, Avicii, etc). Mais pour l’heure, juste après « Ray of light », Madonna a une idée : et c’est peut-être la meilleure de sa carrière.
« Music », qui célèbrera l’entrée dans un nouveau siècle, est une collaboration avec un inconnu (du moins pour les Américains). Son nom, d’ailleurs, ne vous dit peut-être rien de prime abord : Mirwais Ahmadzaï, dit Mirwais (« ah, d’accord »). Ancien guitariste du groupe français culte Taxi Girl, il a eu droit comme Daniel Darc à sa traversée du désert et c’est par l’intermédiaire du photographe franco-américain Stéphane Sednaoui que ses maquettes vont finalement atterrir dans de bonnes maisons : celles de la Ciccone. Qui l’engage illico pour compléter la paire d’hommes de l’ombre aux côtés d’Orbit.
Quand sort “Music” le 18 septembre 2000, c’est peu dire que cet album au nom simple a de quoi surprendre. Pour reprendre les propos de Mirwais, il s’agit du premier album électro-folk de la chanteuse. Plus que ça encore, du premier album mainstream où une star ose le vocodeur intégral (exception faite de Cher en 1998 avec l’horrible Believe). Madonna va transfigurer ce gadget pour lui donner un spleen à la PNL (qui est encore loin d’exister) sur des titres comme Nobody’s perfect et à eux seuls, les trois singles Music, Don’t tell me et What it feels like for a girl s’écouteront à 15 millions d’unités au format single. C’est ce qu’on appelle un beau lifting artistique. L’effet botox durera par la suite quelque temps encore avec “American life” et “Confessions on a Dance Floor”, où Mirwais est encore crédité à la production. Mais “Music” reste au-dessus.
S’il s'impose rapidement parmi les meilleurs albums de Madonna, c’est peut-être pour sa French touch. Outre Mirwais, on y retrouve Jean-Baptiste Mondino sur les artworks avec une Madonna tout droit sortie d’un drive in pour successivement chanter, rire, pleurer, parfois tout en même temps. En filigrane, « Music » dessine une Amérique pile entre deux époques, deux millénaires : d’un côté les chapeaux et tenues de cowboys détournés par Mondino sur la pochette, plein de paillettes disco ; de l’autre, une certaine idée de la musique de club, à la fois simple et moderne. Avec une Madonna passant dans tous les filtres électroniques, mais sans la lourdeur des productions américaines qui donnent l’impression de voir arriver un 33 tonnes à 10 kilomètres.
Il faut réécouter les ballades I deserve it ou Gone : on est loin des séances de gym tonique qui plus tard vaudront à une Madonna fatiguée les railleries des plus jeunes, paradoxalement.
Presque vingt ans après cette histoire, Madonna Louise Ciccone et Mirwais se sont retrouvés sur « Madame X », dernier né de la discographie, mais cette fois, la sauce ne prend plus. Et l’Américaine de courir après sa jeunesse révolue en cherchant le futur dans des crèmes anti-rides.