2021 M07 2
Dans la série « Comment diable ce titre n’a-t-il jamais été un tube ? » We're Going To Be Friends reste un grand un mystère. Peut-être que ce single n’a pas assez été mis en avant (contrairement à Fell In Love With A Girl, clippé par Michel Gondry). Sans doute aussi que l’on a bien trop souvent tendance à limiter les White Stripes à Seven Nation Army. Pourtant, We’re Going To Be Friends contient au moins deux atouts majeurs : flirter pour la première fois avec le romantisme imparable d’une love-song ; raviver sans le savoir l’école Rolling Stones de la pop anglaise d’autrefois.
Il y a en effet quelque chose de délicieusement rétro dans la musique des White Stripes, de même que dans celle des Strokes, dont le « Is This It » sort à quelques semaines d’intervalle, offrant au rock une lutte des classes dont il raffole (Beatles vs Stones, Blur vs Oasis). À chaque piste, les clins d'œil sont appuyés - à Led Zeppelin, à MC5, aux Yardbirds, à la country, etc. -, sans que cela empêche pour autant Dead Leaves And The Dirty Ground, Hotel Yorba ou I Can't Wait de sonner comme des morceaux tout droit sortis du garage de deux post-adolescents bousillés au rock'n'roll. La maîtrise, le savoir-faire mélodique et l’expérience en plus.
Après tout, les Américains n'en sont pas à leur premier coup : en 2001, ils ont déjà publié deux albums (« The White Stripes » en 1999 et « De Stilj » en 2000), tandis que Jack White vient de piloter l'enregistrement d'une compilation dédiée à sa ville d'origine (« Sympathetic Sounds of Detroit ») et de lancer son propre label (Third Man Records). Le duo est tellement sûr de ses forces qu'il s'est permis d'enregistrer « White Blood Cells » en moins d'une semaine, à l'extérieur de Détroit. Une première, mais la stratégie s'avère payante : ce troisième long-format est le premier album des White Stripes à franchir la barre du million d'albums vendus.
La formule proposée sur ce « White Blood Cells », réédité cette année, est pourtant très simple : des guitares électriques qui crissent, un son amplifié au maximum, une batterie qui dicte la tonalité et une production rachitique, réduite au strict minimum. De temps à autres, il y a bien un piano à la Ian Stewart des Stones qui se manifeste, quelques courbettes au garage-rock qui se font sentir, un sample de Citizen Kane qui se fait entendre, mais c'est bien l'indie-rock que venait alors bouleverser les White Stripes avec ces seize morceaux qui parlent presque systématiquement de l’être aimé (simple amant ou amour perdu).
« Mon cerveau gauche sait que tout amour est éphémère », chante ainsi Jack White sur The Same Boy You've Always Known. On se dit alors que l’Américain a raison, que les relations sont vouées à nourrir des regrets, mais vingt ans après la sortie de « White Blood Cells », on a fini par comprendre également qu’il est impossible d’empêcher un cœur d’aimer. Surtout lorsqu’il s’éprend pour des disques de cet acabit.