2018 M10 17
Coucou c'est moi ! Le 31 août 2018, alors que la fin des vacances d’été mine le moral de tout le monde, Eminem décide de sortir, sans annonce préalable, son dixième album studio. « Kamikaze » devient disque d’or et s’écoule à 434 000 exemplaires en une semaine. « Dans certains cas, c'est carrément plus pertinent qu'une campagne promo traditionnelle », confie un attaché de presse parisien qui travaille pour l’un des principaux labels indépendants en France. « Si l'artiste est connu et surtout suivi avec des réseaux forts (streaming, réseaux sociaux), ça crée un effet surprise qui plaît aux fans et, en général, les curieux et les médias suivent bien derrière. »
Pochette surprise. Avant Eminem, Beyoncé (deux fois), Drake, Nekfeu ou encore Kendrick Lamar ont fait pareil. Des artistes très connus qui ont une base de fans importante sur le triptyque Facebook-Instagram-Twitter. Par exemple, Beyoncé monte à 119 millions d’abonnés sur Instagram et Drake est suivi par 37,5 millions de personnes sur Twitter. En sortant un album sans passer par le chemin classique de la promotion, à la fois routinier et éreintant, les artistes font le buzz et testent la fidélité de leurs fans. Ils leur font, en quelque sorte, un cadeau. Et on ne va pas se mentir : tout le monde aime les surprises.
Effet inverse. L’année 2013 a marqué un tournant : elle a été relativement dense en termes de disques qui arrivent comme un cheveu sur la soupe : Beyoncé, David Bowie, My Bloody Valentine ou encore Death Grips… Les annonces surprises se sont cependant enchaînées et l’idée d’un autre disque qui sort de nulle part est devenue aussi excitante qu’un concert de Bob Dylan. À force, l’effet de stupeur finit par ne plus surprendre personne et devient simplement une autre manière de nous vendre la même chose : un album.
Streaming first. Néanmoins, l'effet fonctionne et fonctionnera toujours. Même si cette tendance finit par devenir un chouïa lassante, les fans restent réceptifs et friands de ce genre d'annonce. On remarque surtout un changement des mentalités. Les chiffres du streaming, notamment pour les musiques dites « urbaines », sont extrêmement bons. Dès lors, sortir d’abord un nouvel album en ligne avant les CD et vinyles n’a plus rien d’aberrant. Loin de là.
Bonne idée ? Le risque est que la surprise passe inaperçue, que le buzz ne prenne pas et que l’album soit oublié aussi vite qu’il n’est apparu. Contrairement à une campagne de promotion plus classique, où l’artiste comme le label peuvent prendre la température en amont, il n’y a pas de plan B : si l’info ne fait pas le buzz, le disque risque de ne pas marcher. C’est donc une bonne idée si le moment se présente où s’il s’agit d’un retour improbable, comme David Bowie en 2013. Mais pour Usher et son dernier album « A », sorti seulement deux ans après « Looking 4 Myself », on reste mitigé.