De la pop de chambre au rap de rue, la lente métamorphose de Katerine

Après avoir chanté « L'éducation Anglaise », ses « Mauvaises fréquentations » ou son amour des bananes, Philippe Katerine s'encanaille aux côtés des rappeurs ces derniers mois. Et ça n'a rien d'une crise de la cinquantaine.

Indéfinissable. Extravagant, excessif, déluré, déraisonnable, hors-norme... Ce ne sont pas les adjectifs qui manquent pour définir Philippe Katerine, cet « imbécile heureux », pour reprendre le titre d'un de ses morceaux, de la scène musicale française. Un peu à l’instar des Brigitte Fontaine et autres expérimentateurs de la chanson hexagonale, il est celui qui, dans les années 1990 et 2000, déconstruit les codes, tente quelques digressions burlesques et insère un peu d’humour noir dans des morceaux à priori intimes.

« L’homme à trois mains. » Tout au long de sa carrière, Katerine a ainsi tenté d'impossibles croisements - au point de reprendre en 2011 aux côtés de Francis et ses Peintres, Ma Benz de NTM et DJ de Diams. Ce sont là ses premiers clins d’œil à la culture hip-hop, ses premiers essais rapologiques en quelque sorte. Sauf que le Français ne comptait pas s’arrêtait là. Ces derniers mois, il a même tenté d'écrire un morceau pour Rihanna et multiplié les écarts aux côtés des rappeurs.

La première fois, c’était dans un Planète Rap de Lomepal sur Skyrock. Le rappeur raconte dans une interview accordée aux Inrocks : « On a écouté plein d’instrus et je lui ai mis celle de So Fresh, So Clean d’OutKast. Il a vraiment kiffé et le lendemain il a écrit ce refrain qui défonce : “Je ne suis pas un héros / Je suis plus proche du zéro / Mais le zéro c’est beau / Quand il y a plein de zéros”. Il n’a eu aucun problème pour rapper dans les temps. »

Street cred. Pour conclure son propos, Lomepal avance que Katerine est « un super musicien ». Ça, finalement, on le savait. Mais était-ce suffisant pour devenir un bon rappeur ? Il faut croire que oui puisque, depuis la diffusion de cette émission, « L’homme à trois mains », titre de son cinquième album, a enregistré un duo avec Lomepal (Cinq doigts) et renouvelé l'exercice dernièrement aux côtés d’Alkpote pour la fête des mères : Amour. Pourquoi ? Comment ? Tout simplement parce que les rappeurs n’ont jamais hésité à raconter leurs névroses, leur solitude, la paranoïa que génère le succès, les travers du monde moderne et, de plus en plus, leur vulnérabilité.

Et ça, ça plaît à Katerine, tant sa discographie contient peu ou prou les mêmes obsessions. « Les rappeurs racontent des choses que peu d’artistes osent aborder aujourd’hui, précisait-il dans un entretien pour les Inrocks. Reconnaître la réalité de l’homme, jusque dans ses pires travers, par exemple. Ils écrivent à cœur ouvert, avec du courage et de l’intime. Moi, ça me comble étant donné que je suis voyeur. Dans le même temps, certains chanteurs français ne montrent que leur côté le plus charitable… » On comprend alors que Katerine n’est pas décidé à revenir à ses premières amours. Quant à ceux qui en douteraient, on conseille simplement de regarder le clip de Carrément rien à branler, où le bonhomme rappe dans le métro, en survêtement et avec un bob sur la tête. Tout un programme.