2021 M05 29
Tout au long de sa carrière, le rappeur californien s’est entouré de sa famille. Et cela a débuté dès les années 1990, puisque Snoop rappait déjà avec son cousin Daz Dillinger, membre du Dogg Pound (encore une histoire de chien). Mais ce ne sont pas les seuls artistes de la famille à avoir été mis au turbin, puisque son autre cousin n’est autre que Joe Cool, le dessinateur derrière la pochette de “Doggystyle”. Entre allers-retours en prison, consommation de crack et quelques poignées de dollars, voici le récit délirant d’une cover qui a bien plus de fond qu’on pourrait le croire.
Tout commence juste avant la sortie de “The Chronic” de Dr. Dre en 1992, pendant que ce dernier travaille d’arrache-pied sur son disque au côté de Snoop, tout en produisant le premier album du Californien. Pendant ce temps, Joe Cool (de son vrai nom Darryl Daniel) est incarcéré à la prison d’Etat de Los Angeles. Régulièrement, Snoop reçoit des nouvelles de son cousin au téléphone. Alors que Snoop Doggy Dogg rend visite à la sœur de Joe, il lui passe un coup de fil pour lui demander d’illustrer son album. Son cousin décrit la scène pour HipHopDX : “Il m'a dit qu'il rappait avec Dr. Dre. Je lui ai dit ‘C’est un putain de mensonge. Va dire tes conneries à d’autres. Repasse le téléphone à ma sœur, sale menteur.’ Il m'a dit : 'Je suis sérieux, mec. Je rappe avec Dr. Dre.’ J'ai demandé à ma sœur s’il rappait vraiment avec le type des N.W.A. et elle m’a répondu que c’était vrai.”
Pour s’assurer que tout ceci est bien réel, Joe Cool ordonne à son cousin de lui envoyer 25 dollars, ce qu’il fait sans hésiter après lui avoir affirmé “Tu verras, je vais être le meilleur mec !” Près de 40 millions d’albums vendus plus tard, on peut dire que le rappeur ne s’est pas loupé.
Seul problème dans l’équation : étant en prison, Joe ne peut pas dessiner comme il le voudrait. Il promet alors à Snoop de faire sa pochette en sortant de taule. Quelques mois plus tard, toujours en 1992, les deux hommes se croisent par hasard dans les rues de Los Angeles. Le dessinateur en herbe est sorti de prison, mais il est complètement défoncé au crack. Le rappeur le supplie d’arrêter la drogue et lui reparle de leur arrangement. Cool ne respecte pas sa liberté conditionnelle et retourne derrière les barreaux. À sa deuxième sortie de prison, il appelle directement son cousin qui réitère sa demande : “Dr. Dre veut vraiment une photo de moi sur le toit d'une niche, en train de toucher le cul d'un chien ou quelque chose comme ça. Mais je veux que ce soit toi qui la dessine.”
Pour faire la cover réclamée par Snoop Dogg, Darryl Daniel fait poser sa copine sur son lit dans la même position que la chienne présente sur la pochette définitive (les droits des femmes sont encore discutables à l'époque). Quant aux bulles humoristiques que l’on retrouve en haut du dessin, ce sont des références directes au morceau Atomic Dog de George Clinton (père fondateur du funk), dans lequel il explique que les hommes (les chiens) ne sont bons qu’à chasser les chats (les femmes). D’ailleurs, Joe Cool s’est lancé dans un comics qui retrace une journée banale dans la vie de Snoop, que l’on retrouve dans le livret du CD.
Si Snoop Dogg est représenté allongé sur une niche, ce n’est pas seulement pour tenter d’attraper l’autre chien qui laisse dépasser son derrière. Il s’agit d’une référence directe au personnage de dessin animé Snoopy. Autre fait marquant de l'artwork de “Doggystyle” : l’utilisation prononcée du bleu et du rouge. Les fans de Snoop le savent, le rappeur a toujours revendiqué son appartenance au gang des Crips, toujours vêtus d’azur, en opposition au gang des Bloods, habillés couleur sang. Mais à l’époque de la sortie du disque, le rappeur est signé chez Death Row Records, dirigé par Suge Knight, fièrement Blood. Il est donc logique que l’on retrouve ces deux couleurs prédominantes sur la pochette, même si Snoop a pris soin de rester fringué en bleu.
Bon, avec une cover aussi provocante, il était assez évident que Snoop allait se manger un procès dans les dents, ce qui est arrivé. “Doggystyle” s’est donc retrouvé exposé devant le Congrès américain et l’artwork du disque ainsi que ces paroles ont été considérées comme “obscènes et dégradants pour les femmes”. Liberté d’expression oblige, le rappeur californien ne sera pas condamné pour le contenu de son disque et il bénéficiera même d’une exposition sans précédent. Merci pour le coup de pub.
Plusieurs années après la sortie du disque, Snoop a racheté les droits de sa pochette à Joe Cool afin de capitaliser dessus, comme il l’explique à Complex. Désormais, c’est son seul moyen de gagner de l’argent avec “Doggystyle” pour lequel il n’a jamais rien touché.