« Chris » de Christine and the Queens sera-t-il un grand disque ?

  • (Bad)Buzz and the Queens. De Mylène Farmer à Yelle en passant par Lilly Wood & The Prick, les artistes français qui réussissent n’ont jamais eu bonne presse. Et s’ils ont en plus le culot de cartonner à l’étranger, c’est souvent mot compte double.

    Pour Héloïse Letissier, qui se trimballe une encombrante success story depuis son départ de Nantes, on pourrait dire qu’elle cumule : 1. c’est une femme refusant de se soumettre au joug masculin, 2. son premier album « Chaleur humaine » fut un carton (plus d’un million d’exemplaires), 3. les États-Unis l’adorent et 4. son single de l’été Damn Dis moi s’est retrouvé au cœur d’une polémique qui a permis aux haters de se défouler sur un supposé plagiat après que des internautes ont capté que le titre empruntait une boucle issue du logiciel Logic. Il n’en fallait pas plus pour éclipser le retour de l’une de ces rares artistes françaises à vendre encore plus d’albums que votre voisin de palier, chanteur pendant ses RTT.

    Quelque peu dépassée par ces accusations de vol artistique, la principale intéressée a tout de même décidé de répondre aux accusations. « J’ai samplé des boucles libres de droit, que tout le monde peut utiliser gratuitement, une fois acquis un logiciel qui coute 200 euros, déclarait-elle voilà quelques jours à Télérama (dont elle faisait la couv). Je voulais délibérément partir d’un son générique, accessible à tous, et construire quelque chose de personnel par le texte, la mélodie, les arrangements et les chœurs. » Voilà au moins un acte assumé. Et qui permet surtout de tacler les justiciers masqués qui s’offusquent beaucoup moins du fait que Daft Punk et les rappeurs aient façonné une grande partie de leurs carrières sur des samples. La différence ? Ce sont des hommes. Christine, elle, est une femme. Mais bon, tout ça, c’était avant l’apparition de Chris.

    Traversée du désert. Maltraitée par les médias, incomprise dans son envie de sortir du cadre, Christine and the Queens entame avec « Chris » son évolution pokémon. Nom et cheveux plus courts, références à deux de ses idoles américaines (Michael Jackson et Madonna) et toujours ce même talent pour diviser la France. En moins de cinq ans, on pourra au moins lui reconnaître un certain talent pour le malentendu, puisque sa relation à la culture Queer, à l’androgynie et au féminisme en ont fait la cible préférée des derniers réacs de France, majoritairement planqués sur Twitter. Dommage, tant les thèmes abordés sur « Chris », comme par exemple la place de la femme dans la société, sont un écho à l’actualité extra-musicale.

    French touch, avec l’accent. « Chris est une femme forte », dit-elle d’elle-même dans son interview à Télérama. Dans la lignée de Madonna, Christine/Chris/Héloïse semble avoir décidé de muscler son jeu, comme dirait l’autre, et ce deuxième album « phallique » aux sonorités 90's sonne surtout comme celui d’une femme assumée qui emmerde le monde. C’est ce qu’on entend en filigrane sur le nouveau single La Marcheuse : « J'vais marcher très longtemps / Et je m'en vais trouver les poings qui redessinent / J'vais chercher éhontément / Les coups portés sur moi / La violence facile. » Les chiens aboient, la caravane Christine poursuit son chemin, en gros.

    Rendez-vous à la fin de l’année pour faire l’addition des albums vendus, puisqu'il s’agit du seul véritable thermomètre pour juger de la popularité d’un artiste. D’ici là, Chris dévoilera le 14 septembre prochain un court métrage éponyme, histoire de remettre les pendules à leur place sur son identité. Puis des dates aux États-Unis suivront ; preuve que même avec son accent anglais bancal, Héloïse semble encore mieux comprise à l’étranger qu’à la maison. C’est l’histoire du cordonnier mal chaussé, et c’est encore plus ironique quand on connaît la passion de Chris(tine) pour la danse.

    « Chris » sortira le 21 septembre chez Because. En tournée française, à l'AccorHotels Arena les 18 et 19 décembre prochains.