Quand la musique sert de bande-son aux thérapies psychédéliques

Jon Hopkins, le prodige de Domino Records (Arctic Monkeys, The Kills, etc.), publie le 12 novembre prochain « Music For Psychedelic Therapy », un disque pensé pour être exactement aussi long qu’un trip sous kétamine. Le geste est ambitieux, et s’inscrit dans une réelle tendance.
  • L'événement s'est produit il y a près de soixante ans, mais tout le monde garde encore parfaitement en mémoire ce jour où tout a basculé : c’était en 1966, les Beatles faisaient alors vriller la British Invasion dans le psychédélisme avec quelques morceaux hautement perchés, prolongeant les effets ressentis au même moment de l’autre côté de l’Atlantique (Frank Zappa, 13th Floor Elevators, Grateful Dead).

    Depuis, nombreux sont ceux qui s'intéressent aux effets thérapeutiques et psychés provoqués par l'expérience musicale. Tandis que des universitaires ou des entrepreneurs se penchent sur le sujet, des intelligences artificielles se basent sur la mélodie pour simuler les effets de la MDMA ou d’autres psychotropes : alors qu'une application comme Wavepaths propose une sélection de titres censés favoriser les « états modifiés de conscience », des sociétés telles que Mindcure ou Lucid amènent la musique au centre de la thérapie psychédélique. « Aujourd'hui, on peut même parler d’un nouveau genre musical », s’enthousiasme le musicien Jon Hopkins, dont le dernier album a été chronométré pour coller exactement à la durée d'un trip sous kétamine.

    Avec « Music For Psychedelic Therapy », le producteur anglais s’inscrit dans une longue tradition, allant de ces indigènes qui composaient une musique spécifique à leurs plantes médicinales aux cérémonies d’ayahuasca en Amérique du Sud, en passant par ces religieux d'Afrique Centrale, dont les rythmes rapides (flashés à 170 BPM !) sont censés plonger l'auditeur dans une transe incontrôlable.

    Il en est de même à New York, où la maison de disques The Bunker s'est spécialisée dans les musiques électroniques spécifiquement dédiées aux voyages psychédéliques. En 2020, son fondateur Bryan Kasenic a même lancé un sous-label, Going In, destiné aux morceaux de plus d'une heure. « Les thérapeutes ne sont pas formés à changer de musique pour les personnes qui trippent, explique-t-il au Guardian. Les DJ's passent leur vie entière à perfectionner cette compétence. »

    Quant à savoir si la musique accentue la sensibilité émotionnelle favorisée par les drogues psychédéliques, la réponse est oui. En 2016, déjà, le chercheur britannique Mendel Kaelen démontrait que la qualité et la signification d'une musique s’intensifient sous l’effet de drogues psychédéliques. À l'image des applications évoquées plus haut, qui n'hésitent pas à faire appel à une génération d'artistes habitués aux musiques suggestives, attirés par la contemplation (Max Richter, East Forest, Jóhann Jóhannsson, Nils Frahm), l’Anglais a donc créé une playlist « en fonction de l’expérience que l’on a avec la drogue : de la montée jusqu’au sommet puis la déchéance. Pour chaque phase de la playlist, la musique doit accompagner un sentiment précis. »

    Et Jon Hopkins d’ajouter, persuadé que son dernier album n’est ni de l’ambiant, ni du classique ou du drone, mais une musique qui fonctionne autant sur l'esprit sobre qu'au sein d'une cérémonie psychédélique : « J'aime cette idée de la musique comme quelque chose que vous habitez, quelque chose qui travaille sur vous énergétiquement. C'est d'ailleurs dans cet état que le titre de l’album m'est apparu, “Music For Psychedelic Therapy”. Les thérapies psychédéliques sont en passe d'être légalisées dans le monde entier, et pourtant, on a l'impression que personne ne parle de la musique. Pourtant, celle-ci est aussi importante que le médicament. »