2021 M03 3
Déjà, qu’est-ce qui a motivé l’écriture d’un livre sur Gainsbourg 30 ans après sa mort ?
Je suis devenu fan de Gainsbourg en 2005. J’étais rédacteur en chef d’un magazine de musique, et quelqu’un m'a envoyé la collection de DVD D’autres nouvelles des étoiles. Ça m’a bouleversé : c’était l’un des rares moments où tu sais instantanément que cette musique fera partie de ta vie. C'était étrange parce que je ne parlais pas français à l’époque, et je ne vivais pas encore à Paris. Quelques années plus tard, j'ai déménagé dans la capitale et j'ai absorbé la culture française, bien plus que la plupart des Britanniques. J'ai écrit sur Gainsbourg pour de nombreux magazines mais je voulais écrire quelque chose de plus substantielle, et je pense que les fans anglophones voulaient aussi un livre comme celui-là écrit en anglais. Son culte s'est considérablement développé au Royaume-Uni depuis sa mort.
Il parle de quoi ce livre ?
L'objectif principal était de se concentrer sur la musique, en la prenant album par album, mais aussi en faisant chaque chapitre sur un thème : esthétique, télévision, muses, surréalisme, appropriation, post-modernisme, déclin, etc. Cela signifiait qu'il serait possible d'intégrer les histoires dans le récit sans que cela soit extrêmement prévisible dans sa chronologie. L’idée est aussi de briser les mythes autour de lui, et de s’éloigner de la narration de Gilles Verlant, biographe et ami de Gainsbourg. Serge était un créateur de mythes, donc ce n’a pas toujours été facile. Il a embrassé l'artifice au point que le vrai Lucien Ginsburg a été obscurci. Il n’était pas une personne, mais un ensemble de personnes.
C’est qui Serge Gainsbourg pour les Britanniques ? Est-il connu ?
Non il n'est pas très connu... c’est un nom plutôt cool à lâcher dans une conversation. Il est aussi associé à la mode ou et certains produits de luxe. Par exemple Kate Moss qui fait un shooting photo rue de Verneuil, Kylie Minogue qui va sampler l’une de ses chansons ou Natalie Portman dans une publicité pour un parfum (réalisée par Sofia Coppola) avec Je t’aime... moi non plus en B.O. Beaucoup de gens ne le connaissent que pour sa relation avec Jane Birkin, l’album « Histoire de Melody Nelson » ou sa rencontre avec Whitney Houston en 1986. Il y a beaucoup de clichés paresseux sur Serge.
Gainsbourg semble incarner un cliché, pour le coup, très français : arrogant, intellectuel, séducteur… c’est cette image qu’il renvoie ?
Son charme manifeste marche justement car il représente un cliché français, du moins pour ceux qui le connaissent de nom. Mais ça serait réducteur de le réduire à ces stéréotypes. Pour moi, sa musique fonctionne en dehors des pays francophones car il est amusant, il manie bien la langue française et son écholalie (la répétition de ce qu'a dit une autre personne) renvoie à l’enfance. Il y a quelque chose d’innocent chez Gainsbourg.
Quelle relation Gainsbourg entretenait avec le Royaume-Uni, au-delà du fait que Charlotte soit née à Londres ?
La plupart de ses musiciens studio, depuis le début, viennent du Royaume-Uni. Peu de gens le savent, mais dès La Javanaise en 1963, Serge collabore avec le Harry Robinson Orchestra basé dans le quartier de Chelsea, à Londres. Il a aussi enregistré de nombreux albums en Grande-Bretagne : « Histoire de Melody Nelson », « Jane Birkin & Serge Gainsbourg » avec l’arrangeur Arthur Greenslade. Pour ses albums solos, Gainsbourg a ensuite travaillé avec deux figures anglaises, Alan Hawkshaw et le guitariste Alan Parker (déjà présent sur « Histoire de Melody Nelson » Ndlr).
Si vous devriez présenter Gainsbourg à quelqu’un qui ne le connaît pas encore, comment le feriez vous ?
Je choisirai Bonnie & Clyde. Ça peut paraître évident, mais c’est la meilleure pour présenter son style.
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