Validé par Damon Albarn, Muzi donne des sueurs à la pop avec son nouvel album

Apprenez les gestes qui sauvent : écoutez « Interblaktic », le cinquième album du Sud-Africain le plus chouchouté par la pop music mondiale. Un enchantement pour les oreilles, une joie pour les pieds et une fête pour les fesses.
  • Pour quiconque suit la carrière de Damon Albarn depuis plus longtemps que le dernier album de Gorillaz, il y a eu dans certains de ses disques des collaborations un peu dures à avaler, des erreurs de casting, des fautes de goût. Mais là où l’Anglais ne s’est pas trompé, et a même été plutôt visionnaire, c’est en invitant Muzi sur « Africa Express », en misant beaucoup sur cet artiste sud-africain qui, à force de sillonner l'Europe (Danemark, Paris, Berlin, Angleterre), a fini par s’attirer les louanges du gratin de la pop music mondiale, de Diplo à The Prodigy, en passant par Stormzy, Gruff Rhys ou Chris Martin - à supposer, bien sûr, que ça ait de l’importance de connaître les goûts du leader de Coldplay.

    Au-delà de ses auditeurs de prestige, c’est bien ce que Muzi propose musicalement qui intrigue l’oreille : une zulu house, une pop hybride, un groove enjoué (Juice), un son minimal et pourtant riche en suggestions, un univers venu d’ailleurs qui n’est jamais conservateur, ni alimenté par une quelconque nostalgie. Il y a même quelque chose de profondément accessible dans « Interblaktic » : des rythmes ouvertement dansants, des chants optimistes, des refrains sifflotés (The Traveller) et des mélodies ensoleillées, semblables à une débauche de nuage dans un ciel d’été.

    On sent chez le Sud-Africain, dont la côte de ne cesse de grandir ces cinq dernières années, le besoin d'envoyer bouler la passivité : chacun des morceaux de ce quatrième album est ainsi une jolie trouvaille, la traduction d'une émotion, une main tendue à l'auditeur pour l'emmener vers son histoire, ses origines et ses pensées afrocentrées - « Interblaktic » a été envisagé comme « exploration de l'espace africain, la chronique d'un voyage vers Mars », où des astronautes auraient noté la présence d'un certain nombre de noirs, à en croire les premières paroles de l'album.

    À la vision du clip de la chanson-titre, l'intention de Muzi devient encore plus clair : on y voit ce touche-à-tout arpenter un décor semblable à celui de la planète rouge, vêtu d'un costume en cuir zébré qui, en plus de faire de subtils clins d'œil à la culture sud-africaine, où le cuir et la peau animale représentent respectivement le présent et le passé, symbolise les ambitions cosmiques de celui qui aime à se surnommer Zulu Skywalker.

    Dit comme ça, « Interblaktic » pourrait paraître un peu perché, l'œuvre pseudo-visionnaire d'un artiste délirant. C'est tout l'inverse : à 29 ans, Muzi parvient ici à connecter ses diverses influences (kwaito, house de Chicago, gqom, pop, trap) dans des morceaux tantôt interprétés en anglais, tantôt en zulu, mais toujours bien produits (Kaytranada est même présent sur I Know It), volontiers enjoués et au service d’une transe qui n’a d’autre but que de pousser un grand nombre d’entre nous à la dépendance.