2018 M06 11
Playboi Carti
Playboi Carti, c’est une certaine capacité à réduire le texte à un gimmick, à aller à l’essentiel sans que cela ne paraisse jamais bâclé ou « facile ». À l’écoute de « Die Lit », son premier véritable album, on comprend même que c’est précisément cette attitude qui lui permet de développer des sons très audacieux, presque expérimentaux parfois - pour ça, on dit également merci à Pi'erre Bourne, grand orchestrateur de cet univers déstabilisant, bien plus punk que celui de tout un tas de gars équipés de guitares électriques.
Cardi B
Les présences de Chance The Rapper, 21 Savage, YG ou Migos pourraient laisser penser que Cardi B n'a pas les qualités nécessaires pour s'assumer complétement sur long format. Faux : « Invasion Of Privacy » est une véritable démonstration, un premier album porté par de vrais morceaux de kickeurs (Get Up 10), des titres qui assument ses racines caribéennes et tout un tas de confessions qui viennent prouver que Cardi B est autre chose qu’une petite poupée des labels ou de l’entertainment américain.
Valee
Des morceaux qui dépassent rarement les trois minutes, une signature chez G.O.O.D. Music, une prestation remarquée sur le dernier album de Kanye West : autant dire que Valee, originaire de Chicago, a tout du profil atypique. « J'aime rarement la musique que je fais. C'est comme si rien n'était jamais assez bon. Je reste juste pensif, attendant le prochain meilleur beat, celui qui me permettra de faire quelque chose de mieux que précédemment », déclarait-il à Pitchfork.
Flatbush Zombies
On en a peu parlé en France, et c’est une erreur : « Vacation In Hell » est un des albums les plus aboutis que le hip-hop américain ait pu livrer depuis le début d’année. Un disque, presque essentiellement produit par Erick The Architect (épaulé ici par The Alchemist ou Kirk Knight), à écouter un pétard au coin des lèvres, en pensant aux différentes bavures policières survenues ces dernières années aux États-Unis (« Another day, another cop killed an honest man. »), au goût immodéré d’une génération pour l’argent et la luxure, et au sens concret de la vie (« When I was five, I told my mom I wanted to die. »).
Autant dire que le trio new-yorkais, derrière ses shows complétement débridés, entretient pas mal de liens avec la noirceur de Three 6 Mafia ou la rigueur du label Rawkus.
Saba
Comme Valee, Saba vient de Chicago. Sauf que lui développe une esthétique très proche d’un autre MC du coin : Chance The Rapper. « Care For Me », son dernier projet, dédié à son cousin récemment décédé, le démontre aisément avec ses réflexions introspectives, sa dimension spirituelle et cette capacité incroyable à changer de flow à chaque morceau. Ça pourrait être pesant, c'est au contraire bouleversant.
Childish Gambino
Ok, on triche un peu : objectivement, Donald Glover n’est pas le rappeur le plus talentueux de l’histoire, voire de ces deux dernières années. Mais l’impact de This Is America est tel qu’il semble difficile de ne pas le mentionner aujourd’hui et reconnaître qu’il a réussi à capter parfaitement son époque le temps d’un morceau d’à peine quatre minutes, dépourvu de véritable refrain mais accompagné d’un clip tout simplement parfait.
ALLBLACK
ALLBLACK vient de la Bay Area, connait le passé hip-hop de sa région (Too Short, Richie Rich) et n'y va pas par quatre chemins lorsqu'il s'agit de mettre en scène son activité de proxénète, d'exposer sa vie et les aléas douloureux ou non qui en découlent. Sa dernière mixtape, « Outcall », le rappelle en permanence, avec toujours ce côté narratif qui permet à ALLBLACK de se démarquer et de mettre en lumière le rap des alentours de San Francisco, toujours aussi atypique.
03 Greedo
03 Greedo vient de prendre 20 ans de prison, mais ça ne change rien à ce que l'on peut penser de « The Wolf Of Grape Street » : un disque fidèle à la vie du Californien (membre des Crips, 03 Greedo a aussi un uzi dessiné sous la bouche), blindé d’histoires de rues, de punchlines bien glauques et de mélodies qui ont tout pour devenir des tubes.
Tee Grizzley
Tee Grizzley a lui aussi pas mal de problèmes avec la justice : par le passé, il a notamment été condamné à de la prison ferme pour des affaires de vol. Mais depuis 2017, le rappeur de Détroit semble avoir réussi à sortir la tête de l'eau. D'abord avec First Day Out, où il samplait Perkys Calling de Future, puis en signant sur 300 Entertainment et en publiant « Activated », un premier album chargé de spleen, imbibé de textes qui rendent la mort si chatoyante.
Pusha T
Grâce à « Daytona », produit par Kanye West, Pusha T est aujourd’hui reconnu du grand public, et c’est tant mieux. L’erreur serait pourtant de croire qu’il s’agit là d’un jeune premier, lui qui a publié deux classiques avec The Clipse au début des années 2000 (« Lord Willin' » et « Hell Hath No Fury », produits par The Neptunes), qui a popularisé le « Cocaine rap » et qui a pris la tête de G.O.O.D. Music (le label de Kanye West) en 2015. Un choix salutaire, tant « Daytona », resserré autour de 7 titres impeccables, est sans aucun doute son projet solo le plus cohérent.