Oh lord, le "All Things Must Pass" de George Harrison a 50 ans

Le vrai premier (et meilleur) album solo de l’ancien Beatles, sorti en novembre 1970, a aujourd’hui 50 ans. Non, on ne vous dira pas qu’il n’a pas pris une ride.
  • Il y a une manière très simple d’aborder « All Things Must Pass » : c’est l’album d’un homme dans l’ombre qui veut enfin prouver que 1/ il est un grand artiste 2/ qu’il sait écrire des chansons 3/ qu’il n’a pas besoin des Beatles pour continuer sa carrière.

    À ce moment-là, il est frustré par le duo Lennon-McCartney qui ne lui laisse que très peu de place (genre un bout de banquette sur l’accoudoir) malgré de belles fulgurances comme Taxman, Here Comes the Sun (numéro 1 sur Spotify par ailleurs, prenez ça dans la figure) ou encore While My Guitar Gently Weeps. Bref, George a un paquet de chansons recalées par les fab four dans un cahier, et au lieu de se dire qu’il n’est pas à la hauteur, il va tenter un truc de fou : sortir un triple album, le premier de l’histoire du rock (pour un artiste solo) et en faire un chef-d’œuvre qui oscille entre la folk, la pop et le rock orchestré par Phil Spector. En résumé, c’est un énorme « f**k you ». Et c'est magnifique. PS : on se demande comment le groupe a pu refuser de si beaux morceaux. Isn’t It a Pity n’a pas été retenu au casting pour « Revolver », Paul n’a pas aimé Hear Me Lord ni Let It Down. Et sinon, All things Must Pass, vous en pensez quoi ? 

    Pour prouver qu’ils ont eu tort de se passer de son talent, George fait appel aux cracks de l’époque : Eric Clapton, Gary Brooker, Billy Preston, Ginger Baker et même... Phil Collins. À son rythme, dans son studio, il peaufine ses compositions, bien aidé par les musiciens autour de lui (merci aussi Eric pour While My Guitar Gently Weeps par ailleurs). Ah oui, il coécrit I’d Have You Anytime avec Bob Dylan.

    Bref, le disque est remarquable, rêveur, chaleureux. Il n’y a rien à jeter. Il se boit comme du petit lait et navigue avec une aisance remarquable. Au magazine Rolling Stone, John Lennon dira, la gorge serrée et la bouche amer : « À chaque fois que j’allume la radio, j’entends Oh My Lord ». Il aurait aussi bien pu entendre les autres moments phares de l’album, comme Isn’t It a Pity, If Not For You, Wah-Wah, Behind Lock Door, Hear Me Lord, I Remember Jeep. Toutes différentes. Toutes, à leur manière, sublimes. 

    Avec les années et le temps qui passe, 50 printemps séparent ce disque d’aujourd’hui. Sans surprise, le monde de la musique n’a plus rien à voir. Mais on peut regretter que des disques comme celui-ci, audacieux et longs, ne soient plus la norme, rétrogradés pour des « projets » plus en phase avec les codes des auditeurs, friands de playlists et de nouveautés (et donc assez craintifs d'albums conceptuels ou plus exigeants).

    Si certains artistes, comme Caleb Landry Jones qui a sorti en 2020 « The Mother Stone », 65 minutes de fantaisies aux airs de Syd Barrett enfermé dans une cave londonienne, parviennent encore à s’affranchir des diktats de la pop music, la donne a changé. Et « All Things Must Pass » restera à jamais un édifice de cette époque où tout semblait (encore) possible.