Le jour où Queen a composé la B.O. de Flash Gordon

En décembre 1980, les Anglais mettent un pied dans le monde du cinéma, font les foufous en studio et confectionnent leur première bande-son. Quarante ans plus tard, on salue l'intention, un peu moins le résultat.
  • Pour comprendre la place qu'occupe la B.O. de Flash Gordon dans la discographie de Queen, il faut bien saisir dans quelle posture les Anglais abordent ce travail de composition : en véritables rockstars. En 1980, cela fait six ans que Freddie Mercury & cie enchainent les albums (7 depuis 1974, pour être exact !) et les tubes. C'est bien simple, pas une année ne passe sans qu'ils placent un single au sommet des charts mondiaux.

    Cette fois, le défi est malgré tout de taille. C'est la première fois que Queen travaille en étroite collaboration avec le cinéma, et l'enregistrement de Flash Gordon, hasard du calendrier oblige, se fait en parallèle à celui de « The Game », huitième album un brin conceptuel, bien que porté par deux morceaux que même les moins de 20 ans connaissent : Another One Bites The Dust et Play The Game.

    À la réécoute de Flash Gordon, nul doute que Queen a tenté de se faire plaisir pendant les sessions. Comprendre : il n'est pas question de répéter les formules du passé. Ce qui s'entend dès les premières notes, confiées à des synthétiseurs - instruments que le groupe avait jusque-là refusé d'utiliser en poussant le vice jusqu'à arborer un logo « No synthesizers » sur la pochette de leurs différents longs-formats.

    Conséquence : la B.O. se révèle très riche d'un point de vue musical. Pas seulement parce qu'elle contient quatorze instrumentaux, mais surtout parce qu'on sent les Britanniques soucieux de créer de l'inédit, que ce soit en utilisant des dialogues du film, en réorchestrant la Marche nuptiale de Wagner, en multipliant les clins d'œil à d'autres compositeurs chouchoutés par les réalisateurs (Goblin, Tangerine Dream) ou en s’ouvrant tout bonnement aux années 1980. Avec toute la grandiloquence (The Hero ou Battle Theme, noyés sous les gros riffs de rock) et tous les tics de production que ce genre d’inclinaison esthétique peut signifier…

    La vérité, sans doute cruelle à entendre pour les fans de Queen, est que Flash Gordon n'est clairement pas à ranger parmi les grandes œuvres des Anglais. Trop fourre-tout, pas assez ludiques, trop kitschs même par moment, les dix-huit morceaux réunis ici peinent à pleinement convaincre. Seuls restent un véritable succès (Flash's Theme, écoulé à plus de 250 000 exemplaires au Royaume-Uni) et quelques curiosités : Football Fight composé par Freddy Mercury (ce qui n'était pas si courant !), une production électronique pensée par l'ingénieur du son Mack (Electric Light Orchestra, Giorgio Moroder), un jeu sur les percussions et de multiples expérimentations, notamment dues à Brian May, véritable tête-pensante du projet.

    En fin de compte, la B.O de Flash Gordon est à l’image du film qu’elle illustre : imparfaite, excessive, plus ambitieuse que réellement aboutie, mais vibrante d’idées et de propositions qui, au final, permettent à Queen de s’essayer à de nouvelles textures sonores tout en restant fidèles à leur style, fait de chœurs, de débauche de guitares et d'harmonies vocales.