2019 M08 20
Nouvelle ère. Au sein d'une rédaction, on ne peut être d'accord sur tout. Chez Jack, par exemple, certains considèrent « Humbug » comme une purge, quand d'autres, à l'instar de celui qui écrit ces lignes, ne peuvent l’envisager autrement que comme une œuvre majeure, la preuve irréfutable qu’Arctic Monkeys n’était pas qu’une machine à tubes intenses et joués avec nervosité. La beauté des titres tels que Dance Little Liar, Potion Approaching ou encore Pretty Visitors tient d’ailleurs à ces petites choses, ces infimes détails qui refusent la séduction immédiate, perturbent la structure d’un morceau, produisent un choc, une révélation.
Des singes en liberté. Comme dans n’importe quel bon film hollywoodien, tout n’a pourtant pas été toujours aussi simple : pendant l’enregistrement, Alex Turner et sa bande ont eux-mêmes douté de cette nouvelle orientation stylistique ; la faute, sans doute, à ce concert donné à Houston en 2007 devant seulement 300 personnes...
Heureusement, ce jour-là, Josh Homme se trouve dans le public : après le show, le leader de Queens Of The Stone Age débarque en coulisses, rassure les Anglais, les invite à enregistrer dans son studio dans le désert de Joshua Tree et les encourage pleinement à développer ce son, plus lourd, plus complexe et plus rugueux qu'ils prendront également le temps de peaufiner à New York, aux côtés du fidèle James Ford (Klaxons, Foals et même Last Shadow Puppets, side project au sein duquel Alex Turner développe sa soif d'arrangements sophistiqués depuis un an).
La planète des singes. « Humbug » est donc le disque d'une formation qui dit adieu à l'acné et tourne le dos à l'adolescence – et donc à des titres tels Brianstorm ou When The Sun Goes Down, qui décrétaient l’état d’urgence. Il suffit de tendre l’oreille à Secret Door ou Cornerstone, probablement enregistré en pensant très fort à un 45 tours des Smiths, pour comprendre qu’Arctic Monkeys développe ici une écriture sophistiquée, remplie de jolies trouvailles mélodiques, qui doivent autant aux B.O. d’Ennio Morricone et de John Barry qu’aux velléités orchestrales d’un Alex Turner dont la voix semble à présent charrier mille émotions.
Sur « Humbug », on peut ainsi s'émerveiller de sa capacité à chanter l'américain sans le moindre accent sur des morceaux portés par une basse énorme (Crying Lightning), mais aussi se réjouir de son côté crooner, tendance romantique, apte à apporter ce supplément d’élégance à des singles testotéronés et à accompagner la beauté d’un amour naissant. « If it's true you're gonna run away / Tell me where / I'll meet you there », chante-t-il avec tendresse sur Fire And The Thud. Une preuve irréfutable que, si l'adolescence est bel et bien finie pour les Arctic Monkeys, les illusions, elles, restent intactes.