Le Festival de Cannes résumé en 10 bandes originales essentielles

Le Festival de Cannes ne récompense pas les musiques de films, et c’est bien dommage. Réparons cette injustice en profitant de cette 74ème édition pour célébrer ces BO mythiques qui ont illustré des longs-métrages qui le sont tout autant.
  • Les parapluies de Cherbourg (1964)

    Il s’agit d’être honnête : rien de ce qui fait le charme de ce chef-d’œuvre de Jacques Demy n’aurait pu voir le jour sans les musiques orchestrées par Michel Legrand, qui ne le cèdent jamais au lyrisme et aux stéréotypes des comédies musicales. Écrites en collaboration avec le réalisateur français, les différentes mélodies entendues dans le film témoignent ainsi avec brio de ce qu’est réellement une écriture cinématographique, quand bien même nombre de producteurs ont initialement préféré tourner le dos à ce projet, pourtant récompensé d'une Palme d’or en 1964.

    Taxi Driver (1976)

    De Bernard Herrmann, on retient souvent sa collaboration avec Alfred Hitchock et Orson Welles. Mais le compositeur américain ne s'est pas arrêté en si bon chemin : quelques heures à peine avant sa mort, le 24 décembre 1975, il finalisait ainsi la BO de Taxi Driver, présenté à Cannes au mois de mai l’année suivante. Depuis, c'est tout le monde de la pop culture qui s'en trouve chamboulé - et ce ne sont pas les producteurs de Friends, qui ont réutilisé ce thème dans un des épisodes de la série, qui diront le contraire.

    Apocalyse Now (1979)

    La scène intervient au bout d'une grosse demi-heure et dure environ sept minutes. On y voit le capitaine Willard escorté par la flotte héliportée du colonel Kilgore en train de mener un raid sur un village vietnamien avec La chevauchée des Walkyries de Richard Wagner en fond sonore. C'est à la fois prodigieux et intense, audacieux et finement pensé de la part d’un Coppola qui utilise également pas mal de tubes rock (The End des Doors, Satisfaction des Stones) au sein d’Apocalypse Now, et ça a visiblement inspiré l'armée américaine. Laquelle, entre 1991 et 2003, survolera l'Irak de Saddam Hussein au son du compositeur et chef d'orchestre allemand.

    Sexe, mensonges et vidéo (1989)

    Si beaucoup ont découvert le nom de Cliff Martinez en lisant le générique de Drive ou en s’intéressant aux débuts des Red Hot Chili Peppers (dont il assurait la batterie entre 1982 et 1985), le compositeur new-yorkais frappait déjà fort en 1989 avec Sexe, mensonges et vidéo, sa première BO. Depuis, ce bon vieux Cliff a multiplié les travaux pour Steven Soderbergh, toujours avec talent, mais sans parvenir pour autant à égaler la richesse de ce premier exercice – bon, les différents thèmes de Solaris ont clairement leur mot à dire également.

    Pulp Fiction (1994)

    « Beaucoup de réalisateurs commencent comme moi : ils prennent des BO existantes, les présentent à un compositeur et disent : "on veut que vous fassiez ça", expliquait Tarantino en 2008 lors du Festival de Cannes. Je me suis juste débarrassé du compositeur. Je ne fais pas confiance aux compositeurs. L’idée de montrer un film fini à un type et de le payer pour qu’il fasse une musique… Et si ça ne me plaît pas ? Je ne laisserai jamais cette responsabilité à personne, la musique est trop importante ». Tellement essentielle qu’il semble impossible aujourd’hui de dissocier les images de Pulp Fiction de ce tube de surf music revisité par le guitariste américain Dick Dale.

    Underground (1995)

    Moins connue que celle du Temps des gitans ou d'Arizona Dream, la bande-originale composée par Goran Bregović pour Underground joue pourtant un rôle majeur dans la Palme d'or obtenue par Emir Kusturica en 1995. Il faut dire que l'on entend ces fanfares balkaniques presque à chaque scène et qu’elles viennent rappeler que le 7ème art est aussi un monde d’amour. Celui qui unit, plusieurs années durant, des cinéastes à des compositeurs.

    Sailor et Lula (1990)

    Parmi les exemples de longues collaborations entre réalisateurs et musiciens, il y a bien sûr les différents travaux réalisés main dans la main par David Lynch et Angelo Badalamenti. En 1990, le duo se voit même récompensé pour Sailor et Lula, dont la BO appuie à la perfection les péripéties amoureuses de Nicolas Cage et Laura Dern. Avec toujours, cette touche planante et mystique orchestrée par Badalamenti.

    Dancer In The Dark (2000)

    En 2000, « Selmasongs » n'est pas qu'un énième album étrange et conceptuel de Björk. Produit par Mark Bell (ex-LFO), il est surtout l'occasion pour l'Islandaise d'offrir une bande-son au film qu'elle vient défendre sur la Croisette : Dancer In The Dark, réalisé par Lars Von Trier et missionné ici à l'écriture de certains morceaux. Dont New World qui, malgré la présence de Thom Yorke et Catherine Deneuve sur d'autres titres de l'album, se révèle être la chanson la plus époustouflante de cette BO. Dix-huit ans plus tard, c'est d'ailleurs toujours avec le même plaisir que l'on entend Björk chanter ces mots d'une puissance poétique rare : « I’m softly walking on air/Halfway to heaven from here/Sunlight unfolds in my hair… »

    La vie d’Adèle (2013)

    Derrière les différentes polémiques, les conditions de tournage parfois douteuses et les éloges de la critique française et internationale, il y a ce tube imparable de Lykke Li : I Follow Rivers. On pense ce que l'on veut du film d'Abdellatif Kechiche, mais on ne peut lui enlever ceci : depuis la sortie de La vie d'Adèle en 2013, rares sont les soirées où les fêtards ne s'ambiancent pas sur ce refrain entêtant et contagieux de la Suédoise.

    120 battements par minute.

    Si le film de Robin Campillo a reçu le Grand prix du jury de Cannes 2017, c'est évidemment pour l'histoire engagée qu'il porte (les années SIDA, la résistance d'Act Up) et aussi, un peu, voire carrément beaucoup, pour la musique écrite par Arnaud Rebotini, d'ailleurs récompensé aux Césars pour la meilleure musique originale. À écouter en boucle et sans danger.