Amen : Kanye West publie un EP surprise à la gloire de Dieu

Dans le fond, Kanye West est un peu comme ces virtuoses du bluff qui conservent toujours un atout dans leur manche afin de pouvoir jouer le all-in au moment le plus opportun, lorsque leurs adversaires baissent la garde. Ainsi, pendant que le monde entier retournait dans les grandes surfaces aux lumières aveuglantes afin de faire le plein de cadeaux à mettre sous le sapin familial, l’Américain, une fois de plus, se montrait hyperactif : on l'a dit aux manettes du prochain album de Pusha T (aux côtés des Neptunes), on l'a suspecté de développer un jeu vidéo avec Nintendo, mais on l'a surtout entendu reprendre des classiques du répertoire religieux, le temps d'un EP enregistré avec son Sunday Service Choir.

« Emmanuel » ne compte que cinq morceaux, là où « Jesus Is Born », sorti à la même période en 2019, en contenait dix-neuf. Le propos est donc plus concis. Plus traditionnel également : Requiem Aeternam, O Mira Nox, O Magnum Mysterium, Puer et Gloria étant chantés en latin, sans percussions, inspirés par « la musique ancienne » et enregistrés simplement dans l'idée de rappeler que « Dieu est parmi nous ». Une façon pour Yeezus de prolonger les velléités annoncées au moment d’annoncer sa candidature aux élections américaines : « Nous devons maintenant réaliser la promesse de l'Amérique en faisant confiance à Dieu, en unifiant notre vision et en construisant notre avenir. »

« Emmanuel », étalé sur douze minutes à peine, est surtout une brillante façon pour Kanye West de rappeler à quel point il excelle en tant que directeur artistique. Ici, l’Américain, 43 ans, ne rappe pas, ne parle pas. Il serait même impossible de savoir qu’il est à l’origine du projet si l’on ne connaissait pas l’histoire derrière le Sunday Service Choir - voire si sa femme n’avait pas multilplié les posts pour annoncer la sortie de cet EP. C'est peut-être là toute l'intelligence de Kanye : ne jamais en faire trop d'un point de vue mélodique, ne jamais tomber dans une musique tout à l'égo. Tout l'inverse, en somme, de ses interventions médiatiques.