À Londres, la relève du rap s’appelle Jeshi

Il se passe quoi dans la tête d'un jeune Londonien biberonné au grime et à la pop ? La débrouille, le sentiment de faire partie d'une génération confuse et l'envie d'étaler toutes ses émotions sur un premier album, « Universal Credit », à paraître le 27 mai.
  • En Angleterre, malgré le déferlement du son drill, la majorité des rappeurs continue sans le savoir d’être plus redevable à The Streets qu’à la rue. Pour cette façon de raconter son intimité avec sincérité, pour ces connexions assumées avec d’autres genres musicaux, pour ces textes connectés au bitume, reflétant parfaitement la vie des classes sociales les plus démunies. Jeshi, 27 ans, n’est pourtant pas un hériter direct de Mike Skinner, le maître à penser de The Streets. Si l’on devait le comparer à une autre figure du rap britannique, ce serait même de Little Simz, avec qui il a déjà collaboré.

    Mais comme la musique de cette dernière partage avec The Streets la même dimension sociale, la même richesse musicale, la même capacité à varier les interprétations, la filiation entre le rappeur de Birmingham et Jeshi devient presque évidente. Pour preuves, on tient 3210, son dernier single, où le grime, la 2-step et la pop ne font plus qu'un, mais aussi le titre du premier album du Londonien (« Universal Credit »), nommé ainsi en référence à cette somme que le gouvernement anglais verse aux personnes aux revenus faibles, voire inexistants.

    En interview, Jeshi dit qu’il aurait rêvé de composer un album avec le Portishead des années 1990. Il cite aussi toutes ces années à écouter Lana Del Rey ou à se buter devant le téléviseur familial à regarder des clips sur Channel U, cette chaîne de télévision britannique connue pour avoir accompagné la naissance du grime au début des années 2000. Toutes ces heures à écouter autant de la pop que les classiques de Wiley ou Dizzee Rascal ont visiblement façonné cette musique rendue narrative et efficace grâce au savoir-faire mélodique de Jeshi, typiquement le genre d’artiste technique mais conscient dans un même élan de devoir limiter les démonstrations pour privilégier l’universalité d’un morceau, la beauté d’un refrain, la profondeur des arrangements.

    Ces derniers mois, impossible de nier que les efforts de Jeshi, sa créativité également, ont fini par payer. Quinze ans après avoir posé ses premières rimes via un jeu de karaoké sur sa Nintendo Wii, voire en piquant les instrumentaux de grime sur son Sony Ericsson, le Londonien a désormais trois EP's sous le coude, des collaborations avec Celeste ou Mura Masa, et une session Colors comme carte de visite. Son premier album, « Universal Credit », arrive quant à lui le 27 mai, tandis que les médias s'affolent déjà à son sujet. Au point de le considérer comme le nouveau héros du rap anglais, selon une formulation typiquement journalistique.

    Reste qu'il y a peut-être un peu de vrai derrière une telle affirmation. Après tout, Jeshi assume totalement rapper sa Generation, à laquelle il a dédié un titre, où il narre le destin d'une bande d’adolescents désabusés qui boivent des bières, jettent des cailloux sur un livreur et enchainent les cigarettes. Une certaine idée de l’ennui, bien réel, mais jamais perceptible à l’écoute de ce rap : celui d’un garçon du coin de la rue prêt à conquérir l’industrie.

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